C’est un procès hors norme et à huis clos qui s’est ouvert lundi. Cinq ex-rugbymen du club de Grenoble sont jugés pour un viol collectif présumé datant de 2017. La victime, âgée de 20 ans à l’époque des faits, a livré un témoignage émouvant, entre souvenirs et « black-out » selon ses avocats.
Une nuit entre alcool et amnésie
La jeune femme a raconté cette soirée très alcoolisée, qui faisait suite à un match de Top 14 entre Grenoble et Bordeaux-Bègles. Après avoir rencontré les joueurs dans un bar, elle les avait suivis en discothèque. « Elle est revenue sur cette soirée, les souvenirs qu’elle en avait, assez peu nombreux. Le black-out commence à la sortie de discothèque », a relaté son avocate Me Gros.
Selon son récit, la victime affirme avoir repris ses esprits nue sur un lit, une béquille dans le vagin, entourée de deux hommes nus et d’autres habillés. En larmes, elle avait quitté l’hôtel avant de porter plainte pour viol.
Les accusés plaident le consentement
Les trois principaux mis en cause, l’Irlandais Denis Coulson, le Français Loïck Jammes et le Néo-Zélandais Rory Grice, reconnaissent les relations sexuelles mais assurent qu’elles étaient consenties. Deux autres joueurs, l’Irlandais Chris Farrell et le Néo-Zélandais Dylan Hayes, sont poursuivis pour avoir assisté à la scène sans intervenir.
Un état de conscience en question
Au cœur des débats : l’état de conscience de la jeune femme au moment des faits. Un expert psychiatre a qualifié son état de « pilotage automatique ». Une expression que chaque partie interprète à sa façon.
« Si vous voyez quelqu’un qui est complètement amorphe, dans un coma éthylique et que vous abusez d’elle sexuellement, ce n’est pas la même chose que si vous voyez une femme qui agit, qui gémit, qui se comporte de façon coordonnée. Voilà ce qu’ils ont perçu, eux », insiste Me Dreyfus-Schmidt, avocate d’un des accusés.
Pour les avocats de la victime au contraire, l’expert a souligné qu’elle était dans un état où « son cerveau n’était pas capable d’enregistrer ce qui était en train de se passer, ce qui explique son amnésie lacunaire, c’est-à-dire le trou noir globalement, avec quelques réminiscences, quelques flashes. »
La difficile preuve du consentement
Tout l’enjeu pour la cour sera de déterminer si les accusés pouvaient avoir conscience de l’état d’impuissance de la victime à consentir ou s’opposer aux actes sexuels. En l’absence de souvenirs précis et face à la parole des joueurs, la preuve du viol s’annonce délicate.
Le procès doit se poursuivre jusqu’à vendredi, dans un contexte de libération de la parole des victimes de violences sexuelles. Le monde du rugby est particulièrement touché par ce type d’affaires ces dernières années. Un jugement très attendu donc, qui pourrait faire jurisprudence dans le milieu sportif.