C’est un procès hors-norme et très attendu qui se tient actuellement à Marseille. Celui des effondrements meurtriers de deux immeubles de la rue d’Aubagne, survenus le 5 novembre 2018, faisant 8 morts. Après 5 semaines d’audience éprouvantes, le parquet a requis ce jeudi de lourdes peines de prison ferme à l’encontre de la quasi-totalité des 16 prévenus. Des réquisitions sévères qui reflètent l’ampleur de ce drame du logement indigne.
3 ans de prison ferme requis contre un ex-adjoint au maire
Parmi les principales peines requises, 3 ans de prison ferme et une interdiction définitive d’exercer une activité en lien avec la sécurité des personnes ont été demandés contre Julien Ruas. Cet ex-adjoint à la mairie de Marseille, seul élu poursuivi, était chargé à l’époque des immeubles menaçant ruine. Mais selon le procureur, son action s’est résumée en 4 ans « à deux courriers ». « Un comportement inadmissible » qui fait de lui « un auteur indirect du drame » aux yeux de l’accusation.
Des peines allant jusqu’à 5 ans de prison pour les copropriétaires
Les copropriétaires des immeubles effondrés étaient également sur le banc des prévenus. Le parquet a requis à leur encontre des peines allant de 2 ans avec sursis jusqu’à 5 ans dont 3 ferme. Tous avaient « connaissance des problèmes structurels » mais ont choisi de « jouer la montre » en « dépensant le plus tard et le moins possible » a souligné le procureur. Parmi eux, un professeur à la retraite contre qui la peine la plus lourde a été demandée. Son tort : avoir porté la « double casquette » de propriétaire et d’avocat du syndic.
Des réquisitions symboliques pour que plus jamais ça
Au-delà des responsabilités individuelles, c’est tout un système qui a été pointé du doigt au cours de ce procès fleuve. Syndic peu scrupuleux, bailleur social défaillant, architecte pressé, services municipaux dépassés… Chacun a sa part dans ce « drame du logement indigne qui ne doit rien au hasard » pour le parquet. Les lourdes réquisitions prononcées visent ainsi à « faire jurisprudence » et à ce qu’on puisse dire « plus jamais ça ». Tel un électrochoc pour mieux protéger les Marseillais de ces « immeubles qui tuent en silence ».
Quand il y a des vies en jeu, les deniers publics, on ne les économise pas !
a martelé le procureur à l’adresse de l’ex-adjoint poursuivi.
Les visages des 8 victimes, des Marseillais d’adoption, ont hanté toute l’audience. Comme celui de ce petit garçon de 8 ans, devenu orphelin, pour qui le procureur s’est indigné :
Au tribunal, l’adolescent a sangloté un déchirant « elle me manque ».S’ils avaient ne serait-ce que payé 5000 euros de travaux, le petit El Amine aurait passé les fêtes avec sa maman.
Les avocats de la défense plaideront à partir de lundi avant que le tribunal ne se retire pour délibérer. Son jugement est attendu d’ici un mois et sera scruté de près. Au-delà de l’issue de ce procès, c’est une ville meurtrie qui espère des actes pour que ces effondrements mortels ne se reproduisent plus. Car comme l’a rappelé le procureur, ce drame reste « une blessure dans le cœur de Marseille ».