C’est un témoignage qui pourrait s’avérer déterminant. Au premier jour du procès de Mehdi Nemmouche, accusé d’être l’auteur de l’attentat du musée juif de Bruxelles en 2014, Didier François, un ancien otage français détenu en Syrie, a affirmé sans ambiguïté que le suspect était l’un de ses geôliers. Des révélations chocs qui font frémir.
Un calvaire de 10 mois aux mains de l’État Islamique
Didier François, journaliste chevronné, se souvient dans les moindres détails de ce jour funeste de juin 2013. Alors qu’il était en reportage dans le nord de la Syrie, lui et son équipe ont été capturés par des membres de l’organisation État Islamique. S’en est suivi un long calvaire.
Lunettes et ceintures confisquées, mains menottées, yeux bandés, les otages ont été emmenés vers l’inconnu. Parmi eux, une vingtaine d’occidentaux qui allaient subir privations et sévices pendant de nombreuses semaines.
On a eu des coups, des coups de bâton, des tortures, des ongles arrachés, des chocs électriques
témoigne Didier François
L’image de Mehdi Nemmouche, gravée dans les mémoires
Après 10 mois d’un enfer éprouvant, Didier François est finalement libéré en avril 2014 avec trois autres journalistes français. Mais le soulagement est de courte durée. Quelques semaines plus tard, la Belgique est frappée par un attentat sanglant au Musée Juif de Bruxelles. Mehdi Nemmouche, un djihadiste français, est rapidement identifié et interpellé.
En visionnant des vidéos du suspect, Didier François n’a aucune hésitation : c’est bien là l’un des hommes qui l’a retenu captif et torturé pendant de longs mois. Son phrasé, sa façon de bouger, son corps, tout concorde. L’ex-otage est formel.
Son phrasé, sa façon de parler, sa façon de bouger, son corps, etc., là, j’ai aucun doute
assure-t-il face caméra
Un procès sous haute tension
Mehdi Nemmouche a déjà été condamné à la perpétuité en Belgique pour la tuerie du musée juif. Mais il a toujours nié, par la voix de son avocat, toute implication dans la séquestration et la torture des otages occidentaux en Syrie.
Selon Me Francis Vuillemin, le djihadiste admet avoir été présent en Syrie en 2013, mais affirme qu’il était engagé au combat, dans les sables du désert, et non geôlier.
Pourtant, les témoignages accablants de Didier François et d’autres ex-otages risquent de fragiliser sérieusement cette ligne de défense. À partir de ce lundi 17 février et pour plusieurs semaines, la cour d’assises spéciales de Paris va devoir démêler le vrai du faux.
Des révélations attendues sur les agissements de l’EI
Au-delà du cas Nemmouche, ce sont les agissements de l’État Islamique qui pourraient être mis en lumière lors de ce procès. Les témoignages des ex-otages, français mais aussi d’autres nationalités, promettent des révélations glaçantes sur les conditions de détention et les actes de barbarie subis entre les mains des djihadistes.
Des récits qui donneront certainement une idée plus précise du degré de cruauté et d’inhumanité qui régnait dans les geôles de l’organisation terroriste. Des geôles par lesquelles sont passés de nombreux ressortissants occidentaux, parfois jusqu’à une issue fatale comme dans le cas du journaliste américain James Foley, sauvagement exécuté.
Cinq ans après l’effondrement du pseudo-califat de l’EI, la justice française espère, avec ce procès, lever un peu plus le voile sur les sombres heures où des hommes ont perdu toute humanité. Et tenter peut-être de comprendre comment des individus nés et élevés en Europe ont pu basculer dans une telle barbarie.
Un procès pour l’Histoire, assurément, qui devra faire la part entre châtiment légitime et soif de vengeance. Car même face à l’horreur, c’est bien la justice et la vérité qui devront primer. Avec l’espoir secret que plus jamais de telles atrocités ne se reproduiront.
