Au cœur de l’été, le procès de l’assassinat de Samuel Paty se déroule dans une atmosphère lourde à Paris. Ce professeur d’histoire-géographie, âgé de 47 ans, avait été sauvagement poignardé puis décapité le 16 octobre 2020 près de son collège de Conflans-Sainte-Honorine. Son meurtrier, Abdoullakh Anzorov, un jeune Russe tchétchène de 18 ans, a ensuite été abattu par les forces de l’ordre. Un acte barbare qui avait profondément choqué la France.
Une campagne de haine fatale
Avant ce drame, Samuel Paty avait fait l’objet d’un intense cyberharcèlement suite au mensonge d’une de ses élèves. Celle-ci l’avait accusé à tort de discrimination envers les musulmans. Deux hommes ont joué un rôle clé dans la propagation de cette rumeur mortifère : Brahim Chnina, le père de la collégienne, et Abdelhakim Sefrioui, un militant islamiste. Tous deux sont jugés pour avoir lancé une virulente campagne numérique ciblant l’enseignant.
Les avocats plaident l’acquittement
Lors des audiences, les avocats de Brahim Chnina et Abdelhakim Sefrioui ont plaidé leur acquittement. Pour la défense de M. Chnina, « il n’y a rien de terroriste » chez cet homme décrit comme « un père qui a cru sa fille ». Quant à M. Sefrioui, ses conseils affirment qu’« il n’y a aucun lien direct ou indirect » entre leur client et le tueur Abdoullakh Anzorov, malgré la vidéo accusatrice qu’il avait publiée.
C’est quoi l’objet de ce procès ? C’est le symbole ? C’est marquer l’Histoire ? C’est réparer les victimes ? C’est apaiser l’opinion publique ? Faire plaisir aux médias ? Ou c’est juger Brahim Chnina ?
Louise Tort, avocate de Brahim Chnina
L’ombre de l’association de malfaiteurs terroriste
Le parquet antiterroriste a requis de lourdes peines contre les deux hommes pour association de malfaiteurs terroriste (AMT). Une qualification juridique contestée par la défense. Pour les avocats, même si la campagne de haine était « concertée », elle ne suffit pas à caractériser une AMT en l’absence de tout contact avec l’assassin.
En arrière-plan de ce procès se profile la menace terroriste qui pesait sur la France à l’automne 2020. Quelques semaines avant le meurtre de Samuel Paty, les caricatures de Mahomet avaient été republiées par Charlie Hebdo, ravivant les tensions. Pour l’accusation, ce contexte conférait à la campagne contre le professeur un caractère particulièrement dangereux.
Un enjeu symbolique et émotionnel
Au-delà des questions juridiques, ce procès revêt une dimension symbolique et émotionnelle considérable. La famille et les proches de Samuel Paty attendent une condamnation à la hauteur du cyberharcèlement « viral et violent » dont il a été victime. L’opinion publique est également suspendue à la décision du tribunal dans cette affaire qui avait bouleversé le pays.
Les avocats de la défense en appellent quant à eux au « courage » des juges de ne pas céder à la pression :
Soit vous cédez à l’opinion publique et à son cortège, soit vous faites ce qui est le plus dur, c’est-à-dire juger.
Frank Berton, avocat de Brahim Chnina
Après les ultimes plaidoiries ce mercredi, le verdict très attendu devrait être rendu jeudi soir ou vendredi. Il sanctionnera le rôle de deux acteurs clés de la tragédie, sans pour autant refermer le traumatisme national qu’elle a causé. Car comme le souligne un avocat d’Abdelhakim Sefrioui : « Samuel Paty est mort du terrorisme et acquitter [mon client] n’y changera rien ».