C’est un aveu qui a résonné comme un coup de tonnerre dans la salle d’audience. Au procès de l’assassinat du professeur Samuel Paty, qui se tient actuellement devant la cour d’assises spéciale de Paris, l’un des accusés a surpris tout le monde en reconnaissant pleinement sa responsabilité dans les faits qui lui sont reprochés. “Je reconnais ma culpabilité. C’est la pire chose que j’ai faite de ma vie”, a déclaré d’une voix tremblante Ismaïl Gamaev, un étudiant en économie et gestion de 22 ans poursuivi pour association de malfaiteurs terroriste.
Un aveu inattendu qui marque un tournant
Cet aveu, le premier depuis le début du procès lundi, constitue un moment clé dans cette affaire hors norme qui avait profondément choqué la France en octobre 2020. Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, avait été sauvagement assassiné et décapité par un terroriste islamiste, après avoir été la cible d’une vaste campagne de harcèlement en ligne suite à un cours qu’il avait donné sur la liberté d’expression en montrant des caricatures de Mahomet.
Ismaïl Gamaev, qui partageait un groupe Snapchat avec le tueur et l’un de ses coaccusés, est soupçonné d’avoir “conforté” l’assassin dans son projet criminel. Lorsque la photo de la tête décapitée de l’enseignant a été diffusée dans le groupe, il avait réagi en publiant des smileys souriants. Un geste glaçant qui témoigne de la radicalisation extrême du jeune homme à l’époque.
Le père de l’élève à l’origine de l’affaire s’excuse
Un autre temps fort de cette journée d’audience a été l’interrogatoire de Brahim Chnina, le père de la collégienne qui avait menti sur le professeur en prétendant qu’il l’avait exclue de cours pour avoir contesté sa décision de montrer des caricatures de Mahomet. Ses mensonges avaient été le point de départ de la cabale contre Samuel Paty.
Devant la cour, Brahim Chnina a nié les faits qui lui sont reprochés, assurant qu’il “respecte les enseignants”. “Je présente mes excuses à ce pauvre professeur qui n’aurait jamais dû mourir dans ces conditions-là”, a-t-il déclaré. Des excuses qui sonnent creux au regard de son rôle déterminant dans les événements tragiques. Selon l’accusation, il avait publié dès le lendemain du cours des vidéos sur les réseaux sociaux pour stigmatiser Samuel Paty et faire de lui une cible.
La famille de Samuel Paty très émue
Pour la famille de Samuel Paty, qui s’est constituée partie civile, ces aveux et excuses inattendus ont été source d’une vive émotion. Assis au premier rang, les proches du professeur assassiné étaient sous le choc en entendant les accusés s’exprimer sur leur responsabilité dans ce drame qui a brisé leurs vies.
Leur avocat a indiqué qu’ils attendaient de ce procès des réponses et une condamnation exemplaire de tous ceux qui, par leurs actes ou leur propagande haineuse, ont rendu possible ce crime atroce. “Samuel Paty a été assassiné pour avoir enseigné la liberté d’expression à ses élèves. C’est un geste héroïque qu’il a payé de sa vie. Pour sa famille et pour toute la communauté éducative, il est essentiel que justice soit rendue et que plus jamais un tel drame ne se reproduise”, a-t-il déclaré.
Quel dénouement pour ce procès hors norme ?
Alors que le procès doit se poursuivre jusqu’au 20 décembre, beaucoup s’interrogent sur son issue et ses répercussions. Au-delà du verdict très attendu, c’est aussi la question de la responsabilité de chacun dans la propagation de la haine en ligne qui est posée. Car si le tueur et ses complices présumés sont aujourd’hui dans le box des accusés, ce sont bien les réseaux sociaux et ceux qui y propagent des messages toxiques qui ont rendu possible ce drame.
Pour que la mort de Samuel Paty ne soit pas vaine, beaucoup appellent à un sursaut collectif et à une prise de conscience. Contre la haine, l’obscurantisme et la terreur, la réponse doit être ferme et sans appel. Elle passe par l’éducation, la prévention mais aussi par une régulation plus stricte des réseaux sociaux, véritable caisse de résonance de la radicalisation. C’est à ce prix que la liberté d’expression et les valeurs de la République pourront être préservées face à la barbarie. Le procès de l’assassinat de Samuel Paty est l’occasion de réaffirmer avec force cet impératif. Pour que plus jamais un enseignant ne paie de sa vie son engagement au service de la connaissance et de la liberté.