Un procès crucial s’ouvre ce mardi en Corée du Sud. Le président suspendu Yoon Suk Yeol, 64 ans, joue son avenir politique devant la Cour constitutionnelle. Cette instance suprême doit décider de le destituer définitivement ou de le réhabiliter dans ses fonctions, après sa tentative ratée d’imposer la loi martiale en décembre dernier.
Une tentative de coup de force qui tourne court
Le 3 décembre, Yoon Suk Yeol avait tenté un pari risqué en voulant décréter l’état d’exception, officiellement pour protéger le pays des « forces communistes nord-coréennes » et « éliminer les éléments hostiles à l’État ». Mais son plan a vite été contrecarré.
Alors que des soldats encerclaient le Parlement, les députés ont rapidement voté un texte exigeant la levée de la loi martiale. Sous la pression des élus, des milliers de manifestants prodémocratie et contraint par la Constitution, le président a dû faire machine arrière.
Un président dans le viseur de la justice
Depuis cet épisode, Yoon Suk Yeol est dans la tourmente. Plusieurs enquêtes le visent, dont une pour « rébellion », un crime passible de la peine de mort en Corée du Sud. Un mandat d’arrêt, déjà renouvelé une fois, a été émis contre lui.
Mais le Service de sécurité présidentiel (PSS) s’est jusqu’ici interposé pour empêcher son arrestation lors d’une descente du Bureau d’enquête sur la corruption (CIO) à son domicile le 3 janvier. Les autorités prévoient une nouvelle tentative prochainement, la police menaçant cette fois d’arrêter tout agent faisant obstruction.
La Cour constitutionnelle, arbitre du destin présidentiel
C’est donc dans ce contexte tendu que s’ouvre le procès en destitution. La Cour constitutionnelle a jusqu’à la mi-juin pour trancher. Elle devra dans un premier temps statuer sur la constitutionnalité de la proclamation de la loi martiale.
Si ce coup de force est jugé contraire aux règles, les juges devront ensuite déterminer s’il s’agit ou non d’un acte de rébellion. Leur verdict sera crucial pour l’avenir de Yoon Suk Yeol, qui risque de perdre définitivement son fauteuil présidentiel.
Le dossier de destitution ne se focalise que sur la loi martiale, donc les faits ne sont pas particulièrement complexes. Cela ne devrait pas prendre trop longtemps aux magistrats pour se décider.
Kim Nam-ju, avocat
Un président qui joue la carte de la prudence
De son côté, l’équipe juridique de Yoon Suk Yeol appelle la Cour à prendre tout le temps nécessaire pour étudier ce qui a « conduit à la déclaration de la loi martiale ». Le président, qui a promis d’assister à une audience pour « donner son point de vue », a finalement renoncé à se présenter ce mardi.
Ses avocats invoquent des « inquiétudes concernant sa sécurité et de potentiels incidents ». Une absence qui n’empêchera pas la poursuite du procès, aucun des précédents chefs d’État sud-coréens visés par une telle procédure n’ayant assisté à son procès.
Un pays suspendu à une décision historique
L’issue de ce procès s’annonce déterminante pour la Corée du Sud. Une destitution serait une première pour un président en exercice, qui resterait malgré tout officiellement en fonctions jusqu’au verdict de la Cour, le Parlement n’ayant que le pouvoir de suspendre.
Dans un pays encore marqué par l’héritage de la dictature militaire et régulièrement secoué par des scandales politiques, la décision des juges constitutionnels sera scrutée avec la plus grande attention. Elle pourrait ouvrir un nouveau chapitre dans la jeune mais turbulente histoire démocratique sud-coréenne.
Les prochaines semaines seront donc cruciales pour Yoon Suk Yeol, mais aussi pour le pays tout entier, qui retient son souffle dans l’attente d’un jugement aux lourdes répercussions politiques et institutionnelles. Une nouvelle page est sur le point de s’écrire en Corée du Sud.