Derrière les murs sombres des prisons syriennes, un système de racket généralisé gangrenait le régime de Bachar al-Assad. Au-delà d’un simple outil de répression contre l’opposition, le réseau carcéral était devenu une véritable machine à extorsion, broyant les espoirs de familles désespérées.
Des pots-de-vin exorbitants pour de maigres espoirs
Avocats véreux, fonctionnaires corrompus et proches du clan Assad : tous exigeaient des sommes faramineuses aux familles de détenus, leur faisant miroiter l’espoir de revoir leurs proches disparus. D’après des sources proches du dossier, le montant total de ces pots-de-vin se chiffrerait en centaines de millions d’euros.
Pourtant, dans de nombreux cas, cet argent n’a jamais permis d’obtenir la moindre information sur le sort des prisonniers. Des défenseurs des droits de l’Homme estiment que plusieurs dizaines de milliers d’entre eux seraient morts dans ces geôles sordides.
Le calvaire de Sanaa Omar
Originaire d’Alep, Sanaa Omar a raconté son périple éprouvant pour tenter de retrouver son frère Mohammed, disparu en 2011 à l’âge de 15 ans. Sa famille a écumé toutes les prisons de la ville, payant sans compter avocats et soi-disant agents du gouvernement :
Ils promettaient de savoir où il était détenu et d’apporter des preuves, mais ne l’ont jamais fait. Nous les avons payés pendant près de cinq ans avant de perdre tout espoir.
Sanaa Omar, sœur d’un détenu disparu
900 millions de dollars extorqués
L’Association des détenus et des personnes disparues de la prison de Saydnaya a mené l’enquête. En interrogeant des centaines de familles, elle estime que le montant total des pots-de-vin empochés par le régime et ses partisans approcherait les 900 millions de dollars.
Depuis le début du conflit syrien en 2011, démarré par la répression sanglante de manifestations pro-démocratie, des centaines de milliers de personnes auraient été incarcérées arbitrairement.
La terrible prison de Saydnaya
Perchée dans une vallée aride au nord de Damas, la prison de Saydnaya est tristement réputée pour les tortures et sévices qui y étaient pratiqués. Avec la chute du régime, ses registres abandonnés ont été ouverts, permettant aux familles de rechercher la trace de leurs proches disparus.
Hassan Hashem, venu de Hama pour son frère emprisonné depuis 2019, témoigne avec colère :
On nous disait « il sortira aujourd’hui, il sortira demain ». Nous avons payé plus de 12 000 dollars. Mon frère est marié, il a quatre filles. Il n’a jamais rien fait de mal.
Hassan Hashem, frère d’un détenu de Saydnaya
Des cellules sordides et des familles brisées
Dans les couloirs crasseux de Saydnaya, d’anciennes cellules surpeuplées où s’entassaient jusqu’à 20 détenus sont maintenant accessibles. Au rez-de-chaussée, une sinistre presse hydraulique servait apparemment à écraser les prisonniers pendant les séances de torture.
Ayoush Hassan, 66 ans, erre dans ce lieu de cauchemar à la recherche de son fils. Malgré les sommes exorbitantes versées à des intermédiaires prétendant qu’il était vivant, elle repart sans nouvelles, le cœur brisé :
On a vécu dans l’espoir depuis 13 ans, en pensant qu’il sortirait bientôt. Ce ne sont que des illusions.
Ayoush Hassan, mère d’un détenu disparu
Derrière chaque détenu fantôme, c’est toute une famille qui est brisée, rackettée, et dont les espoirs sont méthodiquement piétinés. Cette corruption endémique aura marqué d’une tache indélébile les dernières années du régime Assad.