C’est un procès retentissant qui se tient actuellement devant une cour spéciale anti-corruption en Guinée. Mohamed Diané, ancien ministre de la Défense et homme fort du régime du président Alpha Condé, renversé par un coup d’État en 2021, risque gros. Le parquet a en effet requis mercredi une peine de 5 ans de prison ferme à son encontre.
De lourdes accusations de corruption et détournements
Écroué depuis 2022, Mohamed Diané doit répondre de multiples chefs d’accusation : détournement de fonds publics, enrichissement illicite, blanchiment de capitaux et corruption d’agents publics. Des faits qui auraient été commis entre 2015 et 2021, période durant laquelle il occupait les fonctions de ministre de la Défense, avec un pouvoir et une influence considérables.
Lors de l’audience, le représentant du ministère public Malick Marcel Oularé a également réclamé une très lourde amende de 5 milliards de francs guinéens (plus de 500.000 euros) à l’encontre de l’ancien ministre. Il a appuyé son réquisitoire sur les arguments développés par l’avocat de l’État, partie civile au procès.
Une fortune personnelle au cœur des débats
Principal élément à charge contre Mohamed Diané : l’augmentation substantielle de son patrimoine personnel entre le début et la fin de ses fonctions ministérielles. Selon la partie civile, sa fortune immobilière aurait ainsi servi à blanchir le produit d’activités illégales menées durant son passage au gouvernement.
Face à ces accusations, Mohamed Diané a choisi de garder le silence, estimant que ses droits étaient “bafoués”. Il n’était d’ailleurs pas représenté par un avocat lors de l’audience, ses conseils ayant suspendu leur participation au procès pour protester contre le refus de la cour de le remettre en liberté. Le jugement a été mis en délibéré et sera rendu le 18 décembre prochain.
Une vaste opération “mains propres” en Guinée
Ce procès s’inscrit dans le cadre d’une vaste opération anti-corruption lancée par la junte militaire qui a pris le pouvoir en Guinée en septembre 2021, renversant le président Alpha Condé. Depuis, de nombreux anciens dignitaires du régime déchu, mais aussi des opposants et des membres de la société civile, ont été incarcérés ou font l’objet de poursuites judiciaires.
La lutte contre la corruption endémique est officiellement érigée en priorité par les nouvelles autorités. En novembre 2022, la junte avait ainsi ordonné que des actions en justice soient engagées contre l’ex-président Condé lui-même et plus de 180 anciens hauts responsables, notamment pour des faits présumés de corruption.
Entre opération “mains propres” et règlements de comptes politiques
Si le chef de la junte, le général Mamadi Doumbouya, assure qu’il n’y aura pas de “chasse aux sorcières”, l’opposition dénonce de son côté une dérive autoritaire du nouveau régime. Selon elle, la justice serait instrumentalisée pour museler toute voix critique, dans un contexte de répression croissante des libertés fondamentales.
Le procès de Mohamed Diané illustre en tout cas la volonté affichée des militaires au pouvoir de faire table rase de pratiques ayant longtemps gangrené le sommet de l’État guinéen. Mais il soulève aussi des interrogations sur l’impartialité de la justice et l’État de droit dans le pays, plus d’un an après le putsch qui a emporté Alpha Condé.
Au final, ce dossier apparaît révélateur des défis immenses que doit relever la Guinée pour instaurer une véritable gouvernance vertueuse et transparente, au-delà des effets d’annonce de la junte et des règlements de compte visant les anciennes élites déchues. Un long chemin reste à parcourir pour restaurer la confiance des citoyens dans les institutions d’un pays meurtri par des décennies d’instabilité et de corruption à grande échelle.