InternationalPolitique

Présidentielle en Guinée : Doumbouya Vers une Victoire Écrasante

Dimanche, la Guinée vote pour choisir son président. Le général Mamadi Doumbouya, au pouvoir depuis le coup d'État de 2021, semble assuré de l'emporter dès le premier tour. L'opposition crie à la mascarade et appelle au boycott. Mais avec les principaux rivaux exclus et une répression accrue, quel sera le visage de cette nouvelle ère ?

Imaginez un pays riche en ressources minières, pourtant marqué par une pauvreté endémique. Imaginez maintenant un dirigeant arrivé au pouvoir par les armes, qui organise une élection où ses principaux adversaires brillent par leur absence. C’est la réalité que vit la Guinée en cette fin d’année 2025, à la veille d’une présidentielle qui semble jouée d’avance.

Une présidentielle sous haute tension en Guinée

Depuis quatre ans, le pays ouest-africain est dirigé par une junte militaire. Le colonel Mamadi Doumbouya, devenu général par auto-promotion, avait renversé le président civil Alpha Condé en septembre 2021. Initialement, les militaires promettaient une transition rapide vers un pouvoir civil. Pourtant, cette échéance fixée à fin 2024 n’a jamais été respectée.

Au contraire, le régime s’est durci. Les voix dissidentes sont réduites au silence par des emprisonnements, des suspensions de partis politiques, voire des disparitions. Ce climat de répression rappelle les heures sombres de l’histoire guinéenne, dominée depuis l’indépendance en 1958 par des régimes autoritaires, qu’ils soient civils ou militaires.

Un favori incontesté face à des adversaires marginaux

Dimanche, plus de 6,8 millions d’électeurs sont appelés aux urnes. Neuf candidats sont en lice, mais le général Doumbouya, candidat indépendant à 41 ans, domine largement le paysage. Ses rivaux restent largement inconnus du grand public.

Les figures majeures de l’opposition ont été écartées du scrutin. Certaines en raison de la nouvelle Constitution adoptée en septembre lors d’un référendum boycotté par l’opposition, mais marqué par une participation officielle de 91 %. Ce texte a modifié les règles du jeu de manière décisive.

Désormais, les membres de la junte peuvent se présenter aux élections, ce qui était interdit auparavant. Par ailleurs, le mandat présidentiel passe de cinq à sept ans, renouvelable une seule fois. Enfin, des critères stricts excluent certains candidats : résidence principale obligatoire en Guinée, âge maximum de 80 ans.

Ces dispositions ont directement visé trois opposants emblématiques. L’ancien Premier ministre Dalein Diallo, exilé, ne remplit pas la condition de résidence. L’ex-président Alpha Condé et un autre ancien Premier ministre, Sidya Touré, également en exil, dépassent la limite d’âge.

« Une mascarade électorale visant à légitimiser la confiscation programmée du pouvoir. »

Dalein Diallo, opposant historique

Cette citation résume le sentiment dominant dans les rangs de l’opposition, qui appelle ouvertement au boycott du scrutin.

Une campagne dominée par l’image du leader

À Conakry, les portraits du général Doumbouya envahissent l’espace public. La campagne, lancée le 28 novembre, se déroule jusqu’à présent sans incidents majeurs rapportés. Mais l’absence de débat réel prive les électeurs d’un véritable choix.

Le scrutin est organisé pour la première fois depuis 2006 par le ministère de l’Administration territoriale, dont le responsable est nommé directement par le général Doumbouya. Auparavant, une structure indépendante gérait les élections. Ce changement soulève des questions sur la crédibilité du processus.

Les enjeux réels de cette élection ne portent donc pas tant sur l’identité du vainqueur – qui semble acquise – mais sur le taux de participation et la légitimité internationale du résultat.

Un bilan économique mis en avant

Le général Doumbouya met en avant ses réalisations pour justifier sa candidature. Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, il promet de faire de la Guinée un pays émergent et s’engage à lutter contre la corruption.

Parmi les succès revendiqués figure le lancement en novembre de l’exploitation du gisement de fer de Simandou, l’un des plus importants au monde. Ce projet devrait générer des revenus considérables pour l’État guinéen dans les années à venir.

La junte met également en avant d’importants travaux d’infrastructures. La monnaie nationale reste relativement stable, un point positif dans un contexte régional souvent marqué par l’inflation.

Ces éléments séduisent une partie de la population, fatiguée des promesses non tenues des précédents gouvernements. Cependant, les analystes soulignent que ces avancées ne préjugent en rien de la qualité future de la gouvernance économique.

Réalité contrastée : Malgré ses richesses minières exceptionnelles (bauxite, fer, or, diamants), la Guinée reste l’un des pays les plus pauvres du monde. Plus de la moitié de la population (52 %) vit sous le seuil de pauvreté selon les données de la Banque mondiale pour 2024.

Cette contradiction entre potentiel économique et réalité sociale alimente les débats sur la capacité du régime à transformer durablement le quotidien des Guinéens.

Un contexte régional marqué par l’autoritarisme

L’année 2025 aura été riche en scrutins sur le continent africain. La Guinée et la Centrafrique organisent leurs présidentielles le même jour, clôturant une séquence électorale intense.

Cette période a révélé une tendance préoccupante : la montée de l’autoritarisme et la répression des oppositions. Plusieurs dirigeants en place ont été reconduits dans des conditions contestées, avec l’exclusion des principaux challengers (Cameroun, Côte d’Ivoire, Tanzanie).

Contrairement à ses voisins sahéliens – Mali, Burkina Faso, Niger – qui ont rompu avec les partenaires occidentaux après leurs coups d’État, la Guinée de Doumbouya maintient de bonnes relations avec la France et la communauté internationale.

Le président de la commission de la CEDEAO a même qualifié cette présidentielle de « progrès significatif » dans le processus de transition. Une position qui contraste avec les critiques virulentes de l’opposition guinéenne.

Vers une confirmation du pouvoir militaire ?

Analystes et observateurs s’accordent sur un point : cette élection vise avant tout à légitimer le maintien au pouvoir du général Doumbouya. L’absence de concurrents sérieux transforme le scrutin en plébiscite plutôt qu’en compétition démocratique.

La date de proclamation des résultats n’a pas été communiquée, ajoutant une couche d’incertitude. Tout dépendra désormais du taux de participation : un chiffre élevé renforcerait la légitimité du vainqueur, tandis qu’une forte abstention soulignerait le rejet populaire.

Quatre ans après le coup d’État, la Guinée se trouve à un tournant. Le pays pourrait basculer durablement vers un régime civil présidé par l’ancien putschiste, ou voir s’installer une nouvelle phase d’instabilité si le mécontentement populaire s’exprime massivement par l’abstention.

Dans tous les cas, cette présidentielle marque un chapitre décisif de l’histoire contemporaine guinéenne, illustrant les défis persistants de la démocratisation en Afrique de l’Ouest.

Le monde aura les yeux rivés sur Conakry ce dimanche, curieux de découvrir si le général Doumbouya parviendra à transformer son pouvoir de fait en mandat électoral incontestable, ou si les fissures d’un système verrouillé finiront par apparaître au grand jour.

À retenir :

  • Élection sans opposition réelle
  • Nouvelle Constitution taillée sur mesure
  • Bilan infrastructurel et minier mis en avant
  • Participation comme principal enjeu
  • Contexte régional d’autoritarisme croissant

Quelle que soit l’issue officielle, cette présidentielle laisse un goût amer pour ceux qui espéraient un retour rapide à une démocratie pluraliste. La Guinée, terre de contrastes, continue d’écrire son histoire entre espoirs déçus et ambitions affichées.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.