À quelques jours d’une élection présidentielle américaine sous haute tension, notre équipe s’est rendue dans la “Rust Belt”, cette grande région industrielle du nord-est des États-Unis profondément meurtrie par la désindustrialisation. Sur ces terres où l’American Dream a viré au cauchemar, la colère et le désespoir poussent les électeurs dans les bras de Donald Trump, qui surfe sur le ressentiment des laissés-pour-compte.
Weirton, cité fantôme de la mondialisation
Weirton, petite ville de Virginie-Occidentale, symbolise à elle seule le déclin de l’Amérique ouvrière. Ici, la seule usine qui faisait vivre la cité a fermé ses portes il y a quelques mois, sonnant le glas des derniers espoirs. Le paysage est désolant : des carcasses de bâtiments industriels à perte de vue, des maisons délabrées, des rues désertes. On se croirait dans un décor de film post-apocalyptique.
Quand l’aciérie tournait à plein régime, il y avait du boulot et de l’argent. Maintenant c’est la misère, les gens survivent comme ils peuvent.
– Jim, 58 ans, ancien ouvrier
Avec des salaires au plus bas et un taux de pauvreté record, les habitants de Weirton ne font plus confiance à la classe politique pour redresser la barre. Beaucoup placent leurs derniers espoirs en Trump, dont les promesses de relocalisation industrielle et de protectionnisme font écho à leur détresse.
Trump, le héraut du “rêve américain perdu”
Le milliardaire populiste l’a bien compris : c’est dans ces bassins sinistrés, loin des élites cosmopolites, qu’il puise sa force politique. Son discours anti-establishment galvanise les dépossédés de la mondialisation, avides de revanche sociale et de renouveau économique.
Avec Trump on espère que les usines rouvriront, qu’il y aura à nouveau des emplois biens payés. C’est notre dernière chance.
– Jodie, 42 ans, mère célibataire
En 2016 déjà, Trump avait raflé la mise dans la “ceinture de rouille” grâce à ses promesses de renaissance industrielle. Cette année, ses militants assurent qu’il fera mieux encore, portés par la rancoeur grandissante envers l’administration Biden jugée coupée des réalités.
Des électeurs en colère, entre désillusion et soif de revanche
Face à la flambée des prix du carburant et des produits de première nécessité, l’horizon s’assombrit pour les classes populaires qui cherchent des responsables. Dans ce climat anxiogène, le vote Trump apparaît comme un exutoire cathartique, un moyen d’exprimer sa défiance envers le “système”.
On en a marre des belles paroles, on veut du concret. Trump au moins il écoute les vrais gens, il nous comprend.
– Mike, 36 ans, sans emploi
Plus qu’une adhésion rationnelle à un programme, le soutien indéfectible à Trump relève souvent d’un réflexe émotionnel et identitaire. Face au sentiment d’abandon, il incarne une figure paternelle et protectrice capable de redonner sa fierté à une Amérique blessée.
Un pays fracturé, au bord de l’implosion ?
Miroir grossissant des inégalités et des fractures qui minent la société américaine, la “Rust Belt” est un concentré des maux qui rongent le pays. La victoire de Trump en 2016 avait révélé au grand jour cette Amérique des oubliés, loin des grandes métropoles prospères. Quatre ans plus tard, la blessure ne s’est pas refermée, bien au contraire.
Entre des villes démocrates cosmopolites et des campagnes républicaines conservatrices, l’incompréhension et la défiance semblent plus profondes que jamais. Dans ce contexte de tensions exacerbées, l’élection de novembre apparaît comme un moment de vérité pour une nation au bord de la rupture.
La “Rust Belt”, possible clé du scrutin ?
Dans une élection qui s’annonce serrée, les swing states industriels du Midwest pourraient bien faire la différence. Si Trump parvenait à reproduire sa performance de 2016 en fédérant le vote des “déplorables”, il pourrait créer la surprise face à une Kamala Harris peinant à mobiliser sa base populaire.
Trump a fait du chemin dans l’électorat ouvrier. Quand tu vois tous ces drapeaux “Trump 2024” ici, t’as l’impression qu’il a déjà gagné !
– Steve, 51 ans, patron de bar
De Weirton à Youngstown en passant par Flint et Detroit, la “ceinture de rouille” sera scrutée de près le soir du 5 novembre. Au fil d’une campagne électrique, elle pourrait bien s’imposer comme le baromètre d’un pays en quête de sens et d’identité. Celui d’une Amérique déboussolée, partagée entre colère et espoir, nostalgie et volonté de changement radical.