À l’approche de l’élection présidentielle américaine du 5 novembre 2024, les prédictions vont bon train. Sondages, projections, analyses… Les estimations sur l’issue du scrutin se multiplient, mais peinent à dessiner une tendance claire. Dans un contexte de fortes tensions politiques, cette incertitude fait craindre des tentatives de manipulation de l’opinion.
Polymarket, le site de paris qui place Trump en tête
Parmi les nombreuses prédictions en circulation, celles de la plateforme de paris en ligne Polymarket se distinguent. Contrairement à la plupart des observateurs qui anticipent un duel au coude-à-coude, le site donne Donald Trump largement gagnant, avec 60,3% de chances de victoire contre seulement 39,3% pour sa rivale démocrate Kamala Harris.
Des chiffres massivement relayés, y compris en France, mais qui doivent être pris avec d’extrêmes précautions. En effet, Polymarket n’est pas un institut de sondage mais une plateforme de paris, où les cotes évoluent en fonction des mises des parieurs. Des investisseurs qui ne constituent en rien un échantillon représentatif de l’électorat américain.
Des prédictions trompeuses sur fond de cryptomonnaies
De plus, les paris sur Polymarket s’effectuent en cryptomonnaies, un univers dans lequel Elon Musk et Donald Trump sont des figures influentes et appréciées. Un possible biais supplémentaire dans des prédictions déjà hautement spéculatives et souvent instrumentalisées par le camp trumpiste pour revendiquer un avantage dans les sondages.
Un mode de scrutin qui complique les pronostics
Au-delà du cas Polymarket, la fiabilité des sondages est un sujet sensible aux États-Unis. Le mode de scrutin par grands électeurs rend les projections nationales moins pertinentes qu’en France. Chaque État attribue un nombre prédéfini de grands électeurs au vainqueur local, quel que soit son score. Ainsi, une courte avance dans quelques swing states clés peut faire basculer toute l’élection, comme en 2016.
Les sondeurs doivent analyser les tendances État par État, ce qui implique de travailler sur de plus petits échantillons, avec des marges d’erreur importantes rendant les prédictions très incertaines.
Analyse un expert électoral souhaitant rester anonyme
2020, un traumatisme pour les sondeurs
Déjà mise à mal en 2016, la crédibilité des sondages a subi un nouveau coup dur en 2020. Donnant pourtant Joe Biden largement gagnant, ils se sont révélés très imprécis, avec des marges d’erreur inédites depuis 40 ans selon une étude. Un constat inquiétant à quelques semaines d’un nouveau scrutin présidentiel.
Face à ces incertitudes, le risque de manipulations plane plus que jamais. Amplification de sondages isolés et douteux, désinformation ciblée dans les swing states pour influencer le vote… Les tentatives de façonner les perceptions de l’électorat sont légion, sur fond de discours trumpistes sur de supposées fraudes électorales.
Kamala Harris dénonce “un dangereux circus médiatique”
Interrogée sur ces sondages en ordre dispersé, la candidate démocrate a fustigé “un dangereux circus médiatique” qui “désoriente les électeurs et ouvre grand la porte aux manipulations les plus douteuses”. “Il est plus que jamais crucial de se fier uniquement à des sources fiables et de se méfier comme de la peste des rumeurs et prédictions farfelues circulant en ligne”, a martelé Kamala Harris.
Donald Trump, de son côté, s’est félicité d’être “donné gagnant par de plus en plus d’Américains, malgré les mensonges des grands médias”. “Les chiffres de Polymarket montrent que le peuple est avec nous et aspire à sauver l’Amérique du désastre Kamala”, a-t-il lancé sur son réseau Truth Social.
À 15 jours du scrutin, la bataille des perceptions fait donc rage. Une guerre d’influence qui pourrait bien, à force de brouiller les pistes, avoir un impact majeur sur les choix des électeurs le 5 novembre. L’issue de l’élection n’aura peut-être jamais été aussi incertaine et suspendue aux aléas d’une opinion malléable. La démocratie américaine joue là, plus que jamais, sa crédibilité.