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Préserver Notre-Dame et Sauver les Églises de France

La réouverture de Notre-Dame met en lumière le sort précaire de centaines d'églises en France. Un droit d'entrée symbolique pour les touristes pourrait générer des fonds cruciaux pour leur sauvegarde, tout en préservant l'accès gratuit des fidèles. Une idée qui fait débat mais mérite réflexion.

La France, pays des polémiques, excelle dans l’art de se quereller sur les grands principes. Là où nos voisins règlent pragmatiquement les problèmes par le dialogue, nous préférons convoquer les idéaux pour mieux nous diviser. La controverse récente sur la tarification des visites touristiques à Notre-Dame de Paris en est un parfait exemple.

Une menace silencieuse pour nos églises

Pourtant, l’enjeu est de taille : nos églises françaises sont en péril. Pas moins de 500 sont déjà interdites d’accès pour des raisons de sécurité, tandis que 5000 autres sont menacées de ruine. Les équipes de la Fondation du patrimoine, principal acteur de la sauvegarde du patrimoine religieux, croulent sous les appels à l’aide d’élus et d’associations désespérés de voir leurs vieux clochers s’effondrer.

L’impasse de la loi de 1905

La loi de 1905, en nationalisant les biens de l’Église, a créé un imbroglio de responsabilités entre les communes propriétaires et les paroisses affectataires. Un schéma jadis viable mais devenu obsolète. Les communes manquent cruellement de moyens et les maires peinent à justifier auprès de leurs administrés des dépenses pour des lieux de culte de moins en moins fréquentés. Quant aux curés, débordés par la gestion de multiples églises, ils se retrouvent bien démunis face à l’ampleur de la tâche.

En plus de fournir des ressources financières, la tarification permet de canaliser les entrées de ces édifices, et finalement de préserver aussi bien le patrimoine que le lieu de culte.

Guillaume Poitrinal, président de la Fondation du patrimoine

Des bénévoles engagés mais à bout de souffle

Face à ce constat alarmant, ce sont souvent des bénévoles passionnés qui se retroussent les manches. Ils établissent des diagnostics, montent des dossiers, sollicitent des fonds auprès de mécènes, organisent des collectes. Un travail de fourmi, indispensable mais insuffisant. Selon des sources proches du dossier, il manquerait entre 100 et 200 millions d’euros par an pour assurer la pérennité de ce patrimoine unique.

L’idée qui fait débat : un droit d’entrée pour les touristes

C’est dans ce contexte qu’a émergé la proposition, iconoclaste pour certains, de faire contribuer modestement les millions de visiteurs attendus à Notre-Dame une fois sa restauration achevée. Un droit d’entrée symbolique de cinq euros permettrait de récolter 75 millions d’euros par an, et ainsi de sauver pas moins de 300 églises en péril. Une goutte d’eau pour les touristes, un ballon d’oxygène pour notre patrimoine en souffrance.

Loin d’être révolutionnaire, cette pratique est déjà largement répandue chez nos voisins européens :

  • À Londres, l’abbaye de Westminster et la cathédrale Saint-Paul sont payantes pour les touristes.
  • Idem à Séville, Barcelone, Madrid, Milan ou encore Florence.
  • Partout, l’accès gratuit des fidèles est garanti, soit par des créneaux horaires dédiés, soit par un système de flux séparés.

Interrogées, les autorités religieuses concernées se félicitent de ce système qui, loin de porter atteinte à la dimension spirituelle des lieux, permet au contraire de la préserver en régulant la fréquentation touristique.

Des bénéfices multiples

Car c’est bien là tout l’enjeu : concilier l’accueil des visiteurs et le respect du culte. Avec le rayonnement planétaire de Notre-Dame, amplifiée par l’émotion suscitée par l’incendie, nul doute que la cathédrale va être prise d’assaut à sa réouverture. Sans régulation, c’est l’accès même des fidèles qui risque d’être compromis. La mise en place d’un système de réservation pour les touristes, loin de dresser des barrières, permettrait au contraire de fluidifier la fréquentation et de garantir à chacun, croyant ou simple curieux, de vivre pleinement l’expérience de ce lieu chargé d’histoire et de spiritualité.

Un juste retour pour une grande fraternité

Au-delà, c’est un formidable élan de solidarité patrimoniale qui pourrait se mettre en place. Souvenons-nous de la vague d’émotion planétaire et de la mobilisation sans précédent suscitées par l’incendie de Notre-Dame. Grâce au travail remarquable des fondations et à la générosité de plus de 300 000 donateurs, des sommes considérables ont pu être réunies pour sa restauration. Que cet immense chantier, prouesse technique et humaine, puisse bénéficier aux centaines d’églises de nos villages et de nos villes menacées d’abandon, voilà qui donnerait tout son sens au sursaut que nous avons collectivement vécu.

Que la mobilisation pour Notre-Dame permette que soient sauvées les centaines d’églises menacées de disparition dans notre pays serait un juste retour de fraternité chrétienne.

Guillaume Poitrinal, président de la Fondation du patrimoine

Alors, mettons-nous au travail, dans un esprit d’écoute et de dialogue, pour rendre possible cette belle et urgente nécessité. Et prouvons qu’au-delà des polémiques stériles, la France sait aussi se rassembler autour de ce qui fait sens et donne du sens : son patrimoine vivant, son histoire, son âme.

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