C’est dans un contexte de guerre dévastatrice au Soudan que l’émissaire américain Tom Perriello a effectué sa première visite dans le pays. Selon des sources proches du dossier, M. Perriello a eu des discussions franches et approfondies avec le général Abdel Fattah al-Burhane, chef de l’armée soudanaise, à Port-Soudan sur les rives de la mer Rouge.
Au cœur des échanges : la nécessité d’un accès sans entraves à l’aide humanitaire et les moyens de parvenir à un cessez-le-feu durable dans ce conflit qui oppose depuis avril 2023 l’armée régulière, dirigée par le général Burhane, arrivé au pouvoir par un putsch en 2021, et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) de son ancien adjoint, le général Mohamed Hamdane Daglo. Les affrontements ont déjà fait des dizaines de milliers de victimes et poussé plus de 11 millions de Soudanais à fuir, dont 3,1 millions vers les pays voisins.
Une visite sur fond de tensions internationales
La venue de l’émissaire américain est intervenue le jour même où la Russie a mis son veto à une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU appelant à un cessez-le-feu et à la protection des civils au Soudan. Un blocage fustigé par plusieurs États membres qui espéraient faire pression sur les deux généraux rivaux.
Malgré les efforts diplomatiques, notamment ceux des États-Unis, de l’Arabie saoudite et de l’Union africaine, seule une légère amélioration de l’accès à l’aide humanitaire a pu être obtenue. L’armée et les FSR sont accusées d’entraver l’acheminement des secours, alors que la famine menace plusieurs régions, en particulier le Darfour dans l’ouest du pays.
Des avancées fragiles pour l’aide humanitaire
Sous la pression internationale, le gouvernement soudanais a autorisé l’acheminement de l’aide par le poste-frontière clé d’Adré avec le Tchad, seul point d’accès au Darfour. Cependant, lors de sa rencontre avec l’émissaire américain, le général Burhane a exprimé son rejet de l’utilisation de ce point de passage pour livrer des armes aux rebelles, laissant entendre que les FSR pourraient s’en servir pour se réarmer.
Les discussions ont porté sur la nécessité de cesser les combats, de permettre un accès humanitaire sans entrave, notamment par des pauses localisées pour permettre l’acheminement des secours, et de s’engager en faveur d’un gouvernement civil.
– Communiqué du département d’État américain
Vers une solution politique ?
Au-delà de l’urgence humanitaire, la visite de Tom Perriello visait aussi à relancer le dialogue en vue d’une solution politique. Selon le communiqué américain, les échanges ont souligné la nécessité pour les parties de s’engager en faveur d’un retour à un gouvernement civil, condition sine qua non d’une paix durable.
Mais avec la poursuite des combats et les positions tranchées des deux camps, le chemin vers la paix s’annonce encore long et semé d’embûches pour le Soudan. La communauté internationale, États-Unis en tête, devra maintenir ses efforts pour convaincre les belligérants de choisir la voie du dialogue plutôt que celle des armes.
Un conflit aux lourdes conséquences
Rappelons que cette guerre fratricide, qui a éclaté sur fond de rivalités de pouvoir entre les généraux Burhane et Daglo, anciens alliés du régime d’Omar el-Béchir déchu en 2019, a déjà coûté la vie à des dizaines de milliers de Soudanais, principalement des civils pris entre deux feux. Les destructions sont immenses, touchant les infrastructures vitales comme les hôpitaux, les écoles et les réseaux d’eau et d’électricité.
Au-delà des frontières, le conflit soudanais menace de déstabiliser toute la région, avec des risques de débordements au Tchad, en Centrafrique et au Soudan du Sud, eux-mêmes fragilisés par des crises internes. L’afflux massif de réfugiés met aussi à rude épreuve les capacités d’accueil des pays voisins.
Ce qui se passe au Soudan n’est pas seulement une tragédie pour les Soudanais, c’est aussi une menace pour la paix et la sécurité de toute la Corne de l’Afrique.
– Un diplomate occidental basé à Khartoum
Une responsabilité internationale
Face à l’ampleur de la catastrophe humanitaire et sécuritaire, la communauté internationale ne peut rester les bras croisés. Au-delà de l’urgence immédiate d’un accès sans entrave et sécurisé pour l’aide humanitaire, il est crucial de maintenir la pression diplomatique pour amener les parties à la table des négociations.
Le déplacement de Tom Perriello à Port-Soudan, malgré les risques et les obstacles, est un signal fort de l’engagement américain à œuvrer pour la paix au Soudan. Mais Washington ne pourra pas y arriver seul. Il faudra une mobilisation concertée de l’ONU, de l’Union africaine et des partenaires régionaux et internationaux du Soudan pour convaincre les généraux Burhane et Daglo que la guerre n’est pas une option et que seul un dialogue inclusif, impliquant aussi les forces civiles et démocratiques, peut sortir le pays de l’abîme.
Car au final, ce sont les Soudanais eux-mêmes qui détiennent la clé de leur avenir. Mais pour que leur voix puisse s’exprimer, il faudra d’abord faire taire le fracas des armes. Un défi immense mais crucial, car c’est la survie même du Soudan qui est en jeu.