L’État d’Indiana s’apprête à exécuter son premier condamné à mort depuis 2009, mettant ainsi fin à un moratoire de fait sur la peine capitale qui durait depuis 15 ans. Joseph Corcoran, 49 ans, doit recevoir une injection létale mercredi à l’aube au pénitencier d’État de Michigan City pour un quadruple meurtre commis en 1997, dont celui de son propre frère.
Souffrant de schizophrénie paranoïde, Corcoran traverse à l’époque une période de stress intense liée au futur mariage de sa sœur, qui doit l’obliger à quitter le domicile familial qu’il partage avec son frère. Entendant une conversation à son sujet, il s’empare d’un fusil semi-automatique et abat froidement quatre personnes : son frère James, le fiancé de sa sœur Robert Scott Turner, et deux de leurs amis, Timothy Bricker et Douglas Stillwell.
Un passé judiciaire troublé
Fait troublant, Corcoran avait déjà été acquitté en 1992 pour le meurtre de ses parents, retrouvés tués par balles à leur domicile. Condamné à mort en 1999 pour le quadruple homicide, il renonce à faire appel en 2003 malgré les efforts de ses avocats pour prouver son inaptitude à prendre une telle décision en raison de sa maladie mentale.
Des experts psychiatriques témoignent alors de son état délirant, Corcoran se disant persuadé d’être « torturé » par les gardiens au moyen d’une « machine à ultrasons ». Ses hallucinations et sa paranoïa seront à nouveau invoquées sans succès par la défense en novembre 2024 pour contester son aptitude à être exécuté.
La reprise controversée des exécutions
C’est la volonté affichée du gouverneur Eric Holcomb et du procureur général Todd Rokita de reprendre les exécutions dans l’Indiana qui a rendu possible ce dénouement, grâce à l’acquisition du pentobarbital nécessaire aux injections létales. Une méthode d’exécution controversée, de nombreux laboratoires rechignant à fournir ces produits pour ne pas être associés à la peine de mort.
Si l’exécution de Joseph Corcoran a bien lieu, il s’agira de la 24e aux États-Unis depuis le début de l’année 2024. Toutes ont été réalisées par injection létale hormis trois par inhalation d’azote en Alabama, une méthode expérimentale très critiquée. Bien que l’Indiana n’ait plus procédé à une exécution depuis 2009, l’administration Trump y avait fait procéder à 13 exécutions fédérales en 2020 et 2021.
Un sujet qui divise l’Amérique
Cette reprise des exécutions en Indiana met en lumière les profondes divisions qui persistent aux États-Unis sur la question de la peine de mort. Si 23 États l’ont abolie et que 6 autres observent un moratoire sur décision du gouverneur, une courte majorité continue de la pratiquer ou de vouloir la réinstaurer.
Le cas de Joseph Corcoran soulève également le délicat enjeu des condamnés souffrant de maladie mentale. Peut-on exécuter une personne dont les facultés de discernement sont altérées ? La justice a ici tranché par l’affirmative malgré les arguments de ses avocats, mais la question reste éthiquement complexe.
Au-delà du drame humain, cette exécution marque donc une étape symbolique inquiétante pour les abolitionnistes : le retour de la peine capitale dans un État qui semblait s’en être détourné. Un signal politique fort envoyé par les autorités de l’Indiana, qui risque de relancer le débat à l’échelle nationale en cette année électorale. L’ombre de la peine de mort plane à nouveau sur l’Amérique.