En ce mois de juin 2024, le président russe Vladimir Poutine effectue une rare visite officielle en Corée du Nord, près d’un quart de siècle après son dernier déplacement dans ce pays en 2000. Sur fond de guerre en Ukraine et d’isolement international, ce voyage revêt une importance toute particulière pour le maître du Kremlin, en quête de soutiens face à la pression occidentale.
Un rapprochement stratégique entre deux « parias » de la scène internationale
Depuis le début du conflit ukrainien en février 2022, la Russie a vu ses relations avec l’Occident se dégrader fortement. Moscou est la cible de multiples trains de sanctions économiques visant à affaiblir sa machine de guerre. Dans ce contexte, le régime de Kim Jong-un apparaît comme un allié précieux pour Vladimir Poutine.
La Corée du Nord, elle-même soumise à de lourdes sanctions internationales en raison de ses programmes nucléaire et balistique, a exprimé son soutien à l’« opération militaire spéciale » menée par la Russie en Ukraine. Pyongyang y voit une lutte contre l’« hégémonie » et l’« arbitraire » des États-Unis et de leurs alliés.
Le conflit en Ukraine a été une véritable aubaine pour la Corée du Nord.
– Peter Ward, membre du groupe de réflexion Sejong
Une coopération militaire renforcée ?
Selon plusieurs observateurs, la visite de Vladimir Poutine pourrait déboucher sur une intensification de la coopération militaire entre Moscou et Pyongyang. La Russie, confrontée à une guerre d’usure en Ukraine, aurait grandement besoin de munitions et d’équipements nord-coréens.
En échange, le régime de Kim Jong-un espère un assouplissement des sanctions et un soutien russe accru sur la scène internationale, notamment au Conseil de sécurité de l’ONU. Mais des voix s’élèvent pour mettre en garde contre les risques d’une telle alliance entre deux États nucléaires au comportement jugé imprévisible.
Des intérêts économiques convergents
Au-delà de l’aspect militaire, Poutine a aussi des visées économiques lors de sa visite en Corée du Nord. La Russie, privée de nombreux marchés et investissements occidentaux, est en quête de nouveaux partenaires commerciaux.
- Les secteurs de l’énergie, des matières premières et de la construction pourraient faire l’objet d’accords.
- Moscou souhaite attirer des travailleurs nord-coréens sur ses grands chantiers d’infrastructures, notamment en Sibérie orientale.
Kim Jong-un espère pour sa part des investissements et une assistance technique russe pour moderniser les infrastructures délabrées de son pays. Une façon aussi d’atténuer les effets désastreux des sanctions sur l’économie nord-coréenne.
Quelle portée pour cette visite ?
Si cette rencontre au sommet permet d’afficher une convergence d’intérêts entre Vladimir Poutine et Kim Jong-un face à un Occident perçu comme hostile, nombre d’experts relativisent toutefois sa portée concrète :
- L’aide militaire nord-coréenne resterait limitée et ne changerait pas fondamentalement la donne sur le champ de bataille ukrainien.
- Les échanges économiques russo-nord-coréens, bridés par les sanctions, conserveraient un caractère marginal.
C’est donc surtout au niveau diplomatique et symbolique qu’il faut chercher la signification profonde de ce voyage de Vladimir Poutine à Pyongyang. Un message fort envoyé à l’Occident sur la capacité de la Russie et de ses alliés à défier l’ordre international et à s’affranchir de la pression des sanctions.
Une posture qui pourrait toutefois se révéler à double tranchant en accentuant l’isolement et la défiance de la communauté internationale envers Moscou et Pyongyang. L’avenir dira si ce pari risqué aura été gagnant pour Vladimir Poutine et Kim Jong-un, dont le rapprochement suscite autant d’interrogations que d’inquiétudes.