Imaginez vivre dans une maison cossue, entourée de gardes, dans une ville vibrante comme Karachi, et pourtant rêver d’un ailleurs. C’est le quotidien de nombreux jeunes zoroastriens au Pakistan, une communauté millénaire qui voit ses nouvelles générations partir, loin d’un pays où elles ne se sentent plus chez elles. Pourquoi cet exode ? Entre crises économiques, insécurité croissante et quête d’un avenir meilleur, plongeons dans une réalité méconnue qui redessine l’identité d’un peuple.
Une Communauté en Voie de Disparition
Au cœur du Pakistan, les Parsis, adeptes du zoroastrisme, une religion fondée il y a des millénaires, ne sont plus qu’une poignée. À Karachi, ils seraient environ 800, avec quelques dizaines d’autres disséminés dans des villes comme Quetta ou Rawalpindi. Mais ce qui frappe, c’est l’âge de cette communauté : les jeunes s’en vont, laissant derrière eux une population vieillissante.
Un Exode qui S’Accélère
Pour beaucoup, partir est devenu une évidence. Une étudiante de 22 ans, passionnée de cinéma, confie vouloir s’installer à l’étranger après son master. « Je ne sais pas encore où ni quand, mais rester n’est plus une option », explique-t-elle. Son témoignage n’est pas isolé. Un autre jeune, employé dans une entreprise émiratie, raconte avoir vu une vingtaine d’amis quitter Karachi après la pandémie. Cet exode n’est pas une lubie : il reflète une tendance lourde.
« Ces dernières années, tout le monde a commencé à émigrer. »
– Un jeune zoroastrien de 27 ans
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2023, le Pakistan a recensé plus de 45 000 profils hautement qualifiés prêts à partir, contre moitié moins l’année précédente. Si cet élan touche toutes les communautés, les Parsis, eux, ressentent une urgence particulière.
Les Racines d’un Départ
Pourquoi quitter un pays où certains vivent dans des résidences sécurisées, loin de la pauvreté qui frappe 40 % de la population ? La réponse est multiple. D’abord, le Pakistan traverse une crise sans précédent. Économie au bord du gouffre, violences en hausse, pénuries d’électricité et d’eau potable : le quotidien est devenu un défi. Même ceux qui, comme les Parsis, appartiennent à une élite relative, aspirent à plus de stabilité.
Ensuite, il y a la question identitaire. Bien que cette étudiante affirme n’avoir jamais été discriminée pour sa foi, la montée des violences islamistes contre les minorités inquiète. Les Parsis, discrets par nature, n’ont jamais été ciblés directement, mais la peur s’installe. Ajoutez à cela une Constitution qui réserve les plus hauts postes aux musulmans, et le sentiment d’exclusion grandit.
- Crise économique : un pays au bord de la faillite.
- Insécurité : violences et instabilité en augmentation.
- Exclusion politique : des lois qui marginalisent les minorités.
Un Héritage en Péril
Les Parsis sont arrivés dans le sous-continent indien il y a un millénaire, fuyant la Perse. Leur histoire est riche : écoles, hôpitaux, et même une brasserie célèbre à Rawalpindi témoignent de leur influence. Pourtant, cet héritage s’effrite. À Karachi, des résidences autrefois habitées par des familles parsies sont aujourd’hui désertes, symboles d’un passé qui s’éloigne.
Une source proche de la communauté déplore que des figures historiques, comme le premier maire élu de Karachi dans les années 1930, ne soient pas assez mises en lumière. Sous la dictature des années 1980, l’islamisation forcée a marqué un tournant. L’imposition de l’ourdou à l’école, alors que les Parsis parlaient anglais, a accéléré leur premier exode.
Une Démographie en Crise
Le déclin démographique des Parsis est alarmant. Une étude réalisée par des membres de la diaspora révèle un déséquilibre : trop peu de jeunes, trop de seniors. Avec une population estimée à 900 au Pakistan, contre 8 000 au Canada, la communauté lutte pour se renouveler. Pourquoi ? Parce qu’elle refuse les conversions et privilégie l’endogamie.
Un leader communautaire, hôtelier de renom, explique : « On a plus de chances de trouver un conjoint zoroastrien à l’étranger qu’ici. » À l’échelle mondiale, leur nombre est passé de 125 000 en 2004 à 111 000 en 2012. Au Pakistan, les couples préfèrent souvent une carrière à une famille nombreuse, avec un enfant maximum par foyer.
Âge | Proportion | Tendance |
Moins de 18 ans | Très faible | En baisse |
Plus de 65 ans | Trop élevée | En hausse |
Vivre Ailleurs, Vivre Mieux ?
Pour ces jeunes, l’étranger représente la sécurité et la satisfaction. « Je veux vivre quelque part où je me sens heureuse », confie l’étudiante en cinéma. Le Canada, l’Australie ou les États-Unis attirent, là où les communautés zoroastriennes prospèrent. Mais cet exil a un coût : chaque départ fragilise un peu plus ce qui reste au Pakistan.
Un jeune homme, fils aîné de sa famille, reste pour l’instant. Il ne partira pas sans ses parents. « Dès que j’aurai une solution pour eux, je m’en irai, évidemment », assure-t-il. Son histoire illustre un dilemme partagé par beaucoup : partir pour soi, mais pas au détriment des siens.
Et Après ?
Que restera-t-il des Parsis au Pakistan dans quelques décennies ? Leur départ massif pose une question brutale : une communauté peut-elle survivre quand ses jeunes la quittent ? Entre héritage culturel et aspiration à une vie meilleure, les zoroastriens pakistanais incarnent un paradoxe universel. Leur exode n’est pas qu’une statistique : c’est une histoire humaine, faite de choix, de regrets et d’espoirs.
Un îlot de silence au milieu du chaos : les maisons abandonnées de Karachi racontent une fuite muette.
En attendant, les écoles et hôpitaux qu’ils ont bâtis rappellent leur présence. Mais pour combien de temps encore ? La réponse, peut-être, se trouve déjà de l’autre côté du monde.