Et si la clé pour sauver notre planète passait par une prise électrique ? Face à l’urgence climatique, l’Europe mise gros sur l’électrification pour dire adieu aux énergies fossiles. Mais voilà, malgré des ambitions affichées, la consommation d’électricité décarbonée ne décolle pas comme prévu. En France comme ailleurs sur le continent, les chiffres restent timides, presque figés dans le temps. Alors, que se passe-t-il ?
Un virage attendu, mais lent à venir
L’idée est simple : pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, il faut consommer plus d’électricité issue de sources propres – solaire, éolienne, nucléaire – et moins de pétrole ou de gaz. Cette révolution énergétique a un nom : l’électrification des usages. Elle promet de transformer nos vies, des voitures aux usines en passant par nos maisons. Pourtant, les compteurs européens semblent bloqués à un niveau proche de celui d’il y a deux décennies.
D’après une source proche du secteur, la consommation électrique stagne autour de 23 % de l’énergie totale utilisée en Europe depuis une dizaine d’années. Une progression quasi inexistante qui interpelle, surtout quand on sait que trois quarts de l’électricité produite sur le continent sont déjà décarbonés. Alors, pourquoi ce décalage ?
Des freins qui ralentissent la machine
Plusieurs obstacles se dressent sur la route de cette grande bascule. D’abord, les gains d’efficacité énergétique réalisés ces dernières années ont réduit les besoins en électricité. Moins de gaspillage, c’est une bonne nouvelle, mais ça ne pousse pas à consommer plus. Ensuite, la crise énergétique déclenchée par le conflit en Ukraine en 2022 a fait bondir les prix, refroidissant les ardeurs des ménages et des industriels.
Il y a une demande électrique qui commence à repartir, mais elle n’est pas encore très dynamique.
– Un expert du secteur énergétique
En France, par exemple, la consommation a timidement grimpé de 0,7 % en 2024 après deux ans de baisse. Mais elle reste 6 % en dessous des niveaux d’avant la pandémie. Un frémissement, oui, mais loin d’être suffisant pour crier victoire sur la voie de la décarbonation.
Une Europe encore accro aux fossiles
Quand on regarde l’ensemble des énergies consommées – essence, gaz de chauffage, fioul –, le tableau est clair : les importations de pétrole et de gaz dominent toujours. En France, elles représentent 60 % de la consommation énergétique totale, soit une facture de 64 milliards d’euros en 2024. Pendant ce temps, l’électricité propre, disponible en abondance, peine à s’imposer comme une alternative crédible.
En Europe, la croissance de la consommation électrique en 2024 n’a atteint que 1,5 %, après des années de quasi-stagnation entre 2003 et 2023. Et encore, cette légère hausse ne rime pas forcément avec progrès écologique. Les ventes de voitures électriques ont chuté de 6 %, celles des pompes à chaleur de 21 %. À l’échelle mondiale, la demande a bondi de 4,3 %, portée par la climatisation et les data centers. L’Europe, elle, semble à la traîne.
Pourquoi l’électricité ne séduit pas assez ?
Un des nœuds du problème, c’est le prix. Même si le gaz reste plus cher qu’avant la crise, son coût est redevenu acceptable par rapport aux sommets de 2022. L’électricité, elle, reste souvent plus onéreuse, ce qui freine son adoption massive. Résultat : des secteurs clés comme l’industrie, où seulement 4 % des procédés à fortes émissions sont électrifiés, avancent au ralenti.
Et pourtant, l’offre est là. En France, 2024 s’est achevée avec un record d’exportations d’électricité : 89 TWh excédentaires. Une aubaine qui montre que la production dépasse largement la demande intérieure. Comme le souligne un dirigeant du secteur, “l’énergie est disponible, utilisons-la !”
Comment relancer la dynamique ?
Pour inverser la tendance, des leviers concrets existent. Les experts s’accordent sur un point : il faut des politiques fiscales stables et des aides durables. Réduire les taxes sur l’électricité par rapport aux énergies fossiles, par exemple, pourrait envoyer un signal fort aux consommateurs et aux entreprises.
- Inciter les ménages à passer aux pompes à chaleur avec des subventions claires.
- Rééquilibrer les coûts entre électricité et gaz pour les industriels.
- Simplifier les démarches pour adopter des véhicules électriques.
Mais attention aux faux pas. Face à cette demande en berne, certains au Parlement plaident pour ralentir le déploiement des énergies renouvelables prévu pour 2025-2035. Une idée jugée “inquiétante” par les spécialistes, qui rappellent que l’offre d’énergie verte est essentielle pour soutenir la décarbonation.
Un enjeu de souveraineté
Au-delà du climat, l’électrification touche à la souveraineté énergétique. Produire et consommer une électricité bas carbone sur notre sol, c’est réduire notre dépendance aux importations coûteuses et instables. Chaque kilowattheure vert consommé ici est une victoire pour l’indépendance énergétique.
Secteur | Part électrifiée | Objectif |
Industrie | 4 % | Accélérer |
Transports | En baisse | Relancer |
Bâtiments | Stagnation | Stimuler |
Alors, l’Europe saura-t-elle brancher son avenir sur le bon voltage ? La réponse dépendra de notre capacité à transformer cette abondance d’énergie propre en une vraie révolution des usages. Le courant est là, il ne tient qu’à nous de le faire circuler.