À 79 ans et quelques mois seulement après son retour au pouvoir, le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva voit sa cote de popularité s’effondrer. Selon un sondage Datafolha publié mi-février, seuls 24% des Brésiliens jugent son gouvernement « bon » ou « très bon », en chute de 11 points par rapport à décembre. Parallèlement, la part de ceux qui le considèrent « mauvais » ou « très mauvais » a bondi de 34% à 41% en deux mois. Des chiffres préoccupants pour celui qui avait terminé ses deux premiers mandats (2003-2010) avec une popularité record. Pourquoi un tel revirement ? Voici 4 éléments d’explication.
L’économie, talon d’Achille de Lula
Si l’inflation ralentit et se rapproche de l’objectif fixé, à 4,56% sur un an en janvier, les prix alimentaires restent douloureux pour les ménages brésiliens, à +7,25% sur la même période. Une réalité qui a valu à Lula une véritable polémique quand, voulant faire pression sur les commerçants pour qu’ils réduisent leurs marges, il avait lancé : « si c’est trop cher, n’achetez pas ». Une maladresse qui lui coûte cher dans l’opinion, le coût de la vie restant « un élément fondamental » de son impopularité d’après l’analyste André Cesar.
Et les perspectives ne sont guère encourageantes, la Banque centrale s’apprêtant à relever encore ses taux directeurs déjà très élevés (13,25%) pour contenir la hausse des prix. De quoi renchérir le coût du crédit et potentiellement miner encore plus la popularité de Lula, malgré quelques indicateurs au vert comme le chômage au plus bas.
Une droite revigorée
Lula doit aussi composer avec une opposition revigorée, à commencer par les partisans de Jair Bolsonaro, battu de justesse à la présidentielle d’octobre. Bien qu’inéligible, l’ancien président d’extrême-droite pèse de tout son poids sur les milieux conservateurs et un Parlement où « l’agenda conservateur est très fort », selon André Cesar. Un rapport de force compliqué pour Lula, qui bénéficiait lors de ses premiers mandats d’un alignement progressiste en Amérique latine et d’un accueil triomphal sur la scène internationale, loin du climat actuel.
Largué sur les réseaux sociaux
Autre front où Lula semble en difficulté : la bataille digitale. « La droite est numérique, la gauche reste analogique », résume lapidairement André Cesar. Un constat illustré en janvier lorsque le gouvernement a dû renoncer à une mesure anti-évasion fiscale en raison d’une vague de désinformation sur les réseaux sociaux, laissant croire qu’elle taxerait les transactions des plus pauvres via Pix, une populaire application de paiement. L’opposition, emmenée par le jeune député bolsonariste Nikolas Ferreira et ses vidéos ultra-virales, a eu gain de cause, un revers cuisant pour l’exécutif.
Quelles perspectives pour Lula ?
Pour tenter d’inverser la tendance, Lula mise sur l’arrivée d’un expert en communication politique à la tête du ministère idoine. Mais nombre d’analystes estiment qu’il lui faudra surtout un nouveau grand projet social, à l’image de la Bolsa Familia lors de ses premiers mandats, sorte de revenu minimum pour les plus pauvres. Pour l’historien Marco Antonio Villa, « le gouvernement n’a pas de visage social » et aurait bien besoin d’une « mesure choc » en la matière.
Quant à sa candidature en 2026, Lula entretient le doute. « J’ai 79 ans (…) Si je vais bien, et que je pense pouvoir être candidat, je peux me présenter. Mais ce n’est pas ma priorité en ce moment », a-t-il confié sans fermer la porte. Une façon de se laisser du temps, alors que sa récente opération pour un hématome à la tête a pu soulever des interrogations. Le mystère reste entier pour celui qui avait promis que 2025 serait « l’année de récolte » de ses engagements de campagne, après deux années à « réparer » le Brésil « semi-détruit » laissé par Bolsonaro. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que la route est encore longue et semée d’embûches pour Lula.