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Populations menacées d’expulsion au Bénin : le coût de l’écotourisme

À Porto-Novo au Bénin, un ambitieux projet d'écotourisme le long d'une lagune stratégique pourrait bien se faire au détriment de milliers d'habitants menacés d'expulsion. Pêcheurs, vendeurs... Nombreux sont ceux qui craignent de tout perdre. Une situation des plus préoccupantes qui soulève de vives inquiétudes...

Des milliers d’habitants vivant le long de la lagune de Porto-Novo, la capitale du Bénin, se retrouvent aujourd’hui menacés d’expulsion en raison d’un vaste projet d’écotourisme. Baptisé “Porto-Novo, Ville verte”, ce plan d’aménagement des berges, financé par l’Agence française de développement (AFD), suscite de vives inquiétudes parmi les populations locales.

Un écotourisme controversé

Si les autorités mettent en avant les bénéfices escomptés en termes de dynamisation du tourisme et de préservation de l’environnement, le projet implique aussi le départ contraint d’une partie des riverains de la lagune, située à un emplacement stratégique entre le lac Nokoué et l’immense Lagos au Nigeria.

L’objectif est de revitaliser et de mettre en valeur les quartiers proches de la lagune pour leur redonner vie.

– Jérôme Bertrand-Hardy, directeur de l’AFD à Cotonou

Pourtant, cette “revitalisation” pourrait bien se faire au détriment des communautés de pêcheurs et autres habitants tirant leurs moyens de subsistance des ressources lagunaires. Selon un recensement mené par les populations elles-mêmes, environ 1000 ménages, soit 5000 personnes, seraient concernés.

L’angoisse des expulsions

Il y a dix mois, la mairie a notifié aux habitants qu’ils avaient un mois pour quitter les lieux. Depuis, l’angoisse règne, comme en témoigne Léopold Padonou, pisciculteur de 44 ans :

Nous nous sommes constitués en association pour nous défendre face au danger. Nous avons écrit un peu partout mais nous n’avons pas eu de suite.

– Léopold Padonou, pisciculteur

Il y a environ deux mois, la mairie a marqué d’une croix rouge les maisons à démolir, sans donner plus de détails aux occupants nés et ayant grandi dans le quartier. Si M. Padonou reconnaît les améliorations apportées par l’aménagement en termes d’infrastructures, il s’interroge :

On nous a construit des infrastructures pour que nous vivions bien, mais on ne nous laisse pas en jouir et on nous parle déjà de déguerpissement… Pour aller où ?

– Léopold Padonou

Une communauté qui se bat pour ses droits

Face à la menace, les pêcheurs et autres travailleurs de la lagune ne comptent pas se laisser faire. Comme le souligne Agathe Gandonou, vendeuse de poissons et de crabes :

Toute notre force est dans l’eau et nous nous battrons pour nous maintenir ici.

– Agathe Gandonou, vendeuse

Des ONG comme Justice & Empowerment Initiatives entendent bien épauler ces populations dans la défense de leurs droits, comme elles l’ont déjà fait au Nigeria et au Sénégal. L’objectif : obtenir un partenariat “gagnant-gagnant”.

La municipalité se veut rassurante

Du côté de la mairie de Porto-Novo, on justifie le projet par la nécessité de mettre fin à l’occupation anarchique des berges et de préserver l’environnement, tout en développant l’écotourisme pour renforcer l’attractivité de la ville.

Quant aux populations délogées, le maire Charlemagne Yankoty assure que des fonds ont déjà été débloqués pour les aider au départ et qu’un “village moderne de pêcheurs” verra bientôt le jour, sans plus de précisions sur le calendrier ou le nombre de personnes qui pourront y être relogées.

Un projet d’écotourisme qui divise donc, suscitant espoirs de développement chez les uns et craintes d’un déracinement chez les autres. Reste à voir si un compromis pourra être trouvé pour concilier les intérêts de toutes les parties prenantes. L’avenir de milliers de Béninois vivant au rythme de la lagune en dépend.

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