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Politique et religiosité : la foi insoumise au cœur des passions

Assiste-t-on à une religiosité nouvelle en politique ? Chez les Insoumis, l'engagement prend des airs de célébration mystique, où Trotski côtoie Greta Thunberg dans un étonnant panthéon. Entre transe collective et processions révolutionnaires, décryptage d'un phénomène qui questionne...

En ce dimanche de printemps, une bien curieuse procession défile dans les rues de la capitale. Drapeaux au vent, slogans scandés à pleins poumons, la ferveur est à son comble. Mais ici, point de bannières religieuses ou d’icônes sacrées. Non, les figures vénérées arborées fièrement sur les étendards ont pour nom Léon Trotski, Greta Thunberg ou encore Judith Butler. Bienvenue chez les Insoumis, ces drôles de paroissiens d’un genre nouveau.

Quand la politique se fait religion

Dans les rangs de ce cortège haut en couleurs, l’engagement politique se pare des atours de la foi. Les visages sont graves, les gestes emprunts d’une solennité presque mystique. Ici, on ne milite pas, on communie. Un même élan transcendant semble porter cette foule bigarrée, unie dans une quête de sens qui dépasse les simples revendications terrestres.

« Ils ne savent pas qu’ils font de la théologie », murmurait déjà Alain au début du siècle dernier à propos de certains de ses contemporains.

Alain, philosophe

Un constat qui semble résonner avec une acuité toute particulière face à ce spectacle pour le moins déroutant. Car c’est bien de théologie politique dont il est question ici. Une religiosité nouvelle, où les figures tutélaires se substituent aux traditionnels prophètes, et les slogans révolutionnaires aux versets sacrés.

Un panthéon éclectique

Mais qui sont donc ces divinités d’un nouveau genre, adulées par les paroissiens Insoumis ? Un rapide coup d’œil aux étendards brandis avec ferveur nous offre un aperçu de ce panthéon pour le moins éclectique :

  • Léon Trotski, figure emblématique de la révolution russe, icône d’une gauche radicale en quête de héros.
  • Greta Thunberg, jeune activiste climatique érigée en prophétesse d’une génération en mal de repères.
  • Judith Butler, philosophe du genre dont les théories font office de nouvel évangile pour une partie de la gauche.

Autant de figures disparates, réunies dans une même ferveur militante. Un curieux mélange des genres, où idéologies rivales et combats variés semblent transcendés par un irrépressible besoin de croire.

Le temps des idoles

Car c’est bien de croyance dont il est question ici. Dans un monde déserté par les grands récits et les repères traditionnels, la politique se fait refuge existentiel. Face à un réel désenchanté, l’engagement devient une voie de salut, portée par des figure érigées en guides suprêmes :

  • Pour les écologistes, c’est la Nature qui fait office de divinité transcendante.
  • Chez les wokistes, la Victime est sacralisée, objet de toutes les dévotions.
  • Quant aux transidentitaires, c’est l’Auto-Engendrement qui est élevé au rang de mystère suprême.

Le sacré, chassé par la porte, revient par la fenêtre.

Régis Debray, philosophe

Et les Insoumis dans tout ça ? Pour ces curieux paroissiens, c’est la Révolution qui tient lieu de grand soir. Un absolute à atteindre, une Terre Promise vers laquelle tendre au prix de tous les sacrifices. Un messianisme politique porté à son paroxysme, où l’engagement se fait sacerdoce.

L’ivresse des grands soirs

Retour à notre procession dominicale. Alors que le cortège s’ébranle dans une clameur, une même transe semble gagner les rangs des fidèles. Corps qui se touchent, regards qui se croisent, sourires extasiés : les paroissiens Insoumis communient dans une même ferveur.

Une communion propice à toutes les dérives sectaires ? C’est en tout cas le reproche régulièrement adressé à ces mouvements, soupçonnés d’attirer dans leurs filets des âmes égarées en quête de repères. Mais pour les intéressés, nulle manipulation ici, juste l’ivresse des grands soirs et la perspective enivrante d’un monde à réinventer.

Alors, simples illuminés ou véritables visionnaires ? Une chose est sûre, c’est dans cette ferveur si singulière que ces drôles de paroissiens semblent trouver un sens à leur engagement. Une quête existentielle toute personnelle, un idéal autour duquel structurer sa vie et parfois même son identité.

Dis-moi ce que tu crois et je te dirai qui tu es.

Gilbert Keith Chesterton

À l’heure où les repères traditionnels vacillent, où le doute gagne jusqu’aux plus résilients, la politique se fait refuge identitaire. Un point d’ancrage dans un monde en plein bouleversement, un socle sur lequel bâtir un semblant de certitudes. Et tant pis si, ici ou là, le militantisme confine parfois au mysticisme.

L’impossible débat

Mais attention toutefois à ne pas réduire ce phénomène à une simple lubie militante. Car derrière ces élans de ferveur se cache un indéniable besoin de sens, une quête authentique de repères et de valeurs dans un monde perçu comme toujours plus déshumanisé.

Une quête qui n’est pas sans poser question, tant elle semble parfois faire obstacle au débat démocratique. Car comment dialoguer sereinement avec ceux qui ont érigé leurs convictions en vérité révélée ? Comment échanger rationnellement avec des paroissiens persuadés de détenir la clé du salut ?

Un défi de taille pour nos démocraties modernes, condamnées à composer avec ces religiosités politiques d’un nouveau genre. Mais un défi nécessaire, tant ces mouvements semblent révélateurs d’un profond malaise social, d’une crise du sens qui appelle des réponses à la hauteur des enjeux.

Alors, à défaut de pouvoir les convaincre, peut-être faudra-t-il apprendre à écouter ces drôles de paroissiens. Tenter de comprendre ce qui se cache derrière leurs ferveurs, décrypter les aspirations profondes qui les animent. Un préalable indispensable pour espérer retisser du lien, là où le dogmatisme menace de fracturer chaque jour un peu plus notre fragile pacte social.

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