Un drame a une nouvelle fois endeuillé la lutte contre la polio au Pakistan. Selon une source policière, un officier a été abattu lundi matin dans le nord du pays, alors qu’il escortait une équipe de vaccination antipolio. L’attaque, survenue dans la province instable de Khyber Pakhtunkhwa, a également fait un blessé parmi les vaccinateurs.
Cet incident tragique met en lumière les défis immenses auxquels font face les campagnes d’éradication de la poliomyélite dans la région. Le Pakistan et l’Afghanistan voisin sont désormais les deux seuls pays où cette maladie paralysante, hautement contagieuse chez les jeunes enfants, reste endémique. Et les attaques visant les équipes de vaccination, souvent accompagnées par les forces de sécurité, sont devenues un obstacle majeur.
Une vague d’attaques meurtrières
L’embuscade de lundi n’est malheureusement pas un cas isolé. Rien que cette année, au moins 7 personnes, dont 5 fillettes, avaient été tuées début novembre dans un attentat à la bombe visant des policiers protégeant une campagne antipolio dans le sud-ouest du Pakistan. Quelques jours plus tôt, deux autres policiers avaient été abattus dans des circonstances similaires à Khyber Pakhtunkhwa.
Face à ces risques constants, les agents de sécurité sont sur les dents. En septembre dernier, des policiers avaient même déclenché une grève pour protester contre la recrudescence des attaques. Un mouvement de colère qui témoigne du climat de tension extrême entourant ces opérations sanitaires pourtant cruciales.
Méfiance et théories du complot
Mais pourquoi une telle hostilité envers les campagnes de vaccination ? Plusieurs facteurs se conjuguent, à commencer par une méfiance tenace envers les autorités et les programmes de santé publique soutenus par l’Occident. Une suspicion renforcée par le souvenir d’une fausse campagne de vaccination montée par la CIA en 2011 pour localiser Oussama ben Laden, chef d’Al-Qaïda finalement tué lors d’un raid américain.
Cette opération de renseignement sous couverture humanitaire a jeté le doute sur les véritables intentions des vaccinateurs. Dans un contexte de pauvreté et de sous-éducation, les rumeurs les plus folles circulent : les gouttes antipolio rendraient stériles, contiendraient du porc ou de l’alcool proscrits par l’islam… Autant de raisons invoquées par certains chefs religieux ultra-conservateurs pour s’opposer à ces campagnes.
La polio progresse sur fond de chaos sécuritaire
Le résultat de cette confluence de facteurs est alarmant : les cas de polio ont explosé cette année au Pakistan, avec déjà 63 contaminations contre seulement 6 sur toute l’année dernière. Un retour en force favorisé par la dégradation de la situation sécuritaire, notamment dans les zones frontalières de l’Afghanistan où les talibans pakistanais, proches de leurs homologues de nouveau au pouvoir à Kaboul, multiplient les actions violentes.
Face à ces menaces, les campagnes de vaccination sont régulièrement suspendues dans les villages et districts à risques, comme ce fut le cas lundi à Shakar Khel où l’attaque a eu lieu. Un cercle vicieux qui empêche de toucher les enfants les plus vulnérables et compromet les efforts pour éradiquer définitivement ce fléau.
La lutte continue malgré tout
Malgré ces obstacles, le Pakistan ne baisse pas les bras. Une nouvelle campagne nationale de vaccination a été lancée dimanche, avec pour objectif d’administrer des gouttes antipolio à des dizaines de millions d’enfants de moins de 5 ans. Un travail de titan qui mobilise des centaines de milliers d’agents de santé et de bénévoles, avec l’appui des forces de sécurité.
Mais pour espérer vaincre la polio, le pays aura besoin de plus que des vaccins. Il faudra restaurer la confiance des populations, neutraliser les groupes extrémistes qui s’opposent aux campagnes, et stabiliser les régions en proie aux violences. Un défi immense qui en dit long sur la complexité de la lutte contre les maladies dans les zones de conflit. Et dont le policier tombé lundi est le tragique symbole.