Un véritable tollé. Voilà ce qui résulte de la dernière sortie controversée d’Emmanuel Macron sur Haïti. Une vidéo virale, dans laquelle le président français prononce des paroles pour le moins choquantes à l’égard des Haïtiens, sème la polémique depuis quelques jours et provoque l’indignation d’une large partie de l’opinion publique.
Dans cet extrait filmé lors de son récent séjour au Canada, on peut entendre le chef de l’État qualifier les Haïtiens de “complètement cons” suite au limogeage du Premier ministre de ce pays des Caraïbes, en proie à une grave crise politique, sécuritaire et économique. Des propos qui ont immédiatement enflammé la toile et suscité une vague de condamnations.
L’entourage de Macron minimise la portée de ses propos
Face au scandale qui enfle, l’Élysée a tenté d’éteindre l’incendie en “dénonçant une vidéo tronquée” qui ne reflèterait pas la réalité des échanges. Selon son entourage, le président répondait en réalité à un Haïtien “qui accusait la France d’être responsable de la situation en Haïti”.
Un argumentaire loin de convaincre les détracteurs d’Emmanuel Macron qui fustigent sa désinvolture et son manque de tact diplomatique. Car au-delà de la maladresse langagière, c’est bien le fond du propos présidentiel qui pose problème et reflète, selon certains observateurs, un préjugé tenace hérité du passé colonial de la France.
Une crise profonde en Haïti
Il est vrai que la situation est particulièrement préoccupante en Haïti, pays le plus pauvre des Amériques, gangrené par la violence des bandes armées et l’instabilité politique chronique. Comme l’a rappelé le président français, “ce sont les Haïtiens qui ont tué Haïti”, une petite phrase choc qui a aussitôt déclenché un torrent de réactions outrées.
Car si la responsabilité des élites haïtiennes est souvent pointée du doigt, la France n’est pas exempte de tout reproche dans la descente aux enfers de son ancienne colonie. Le paiement d’une “dette d’indépendance” faramineuse au 19è siècle a ainsi grandement contribué au sous-développement du pays.
Entre maladresse et complexe de supériorité
Alors simple dérapage verbal d’un président par ailleurs engagé en faveur d’Haïti, comme le soutient son entourage, ou révélateur d’un état d’esprit condescendant envers un pays en grande difficulté ? La question mérite d’être posée tant ce genre de bourdes à répétition écorne l’image de la France à l’international.
Certes, le style direct et sans filtre d’Emmanuel Macron, loin de la “langue de bois” habituelle, est souvent salué. Mais en matière de diplomatie, la communication présidentielle semble parfois manquer singulièrement de finesse et de discernement. Un travers qui pourrait coûter cher en termes d’influence dans une région où les blessures du passé sont loin d’être refermées.
Une polémique qui vient bousculer l’agenda présidentiel
Pour l’Élysée, cette énième polémique tombe au plus mal, alors que le président peine déjà à imprimer sa marque sur le plan intérieur avec une impopularité record et des réformes très contestées. L’épineux dossier haïtien risque ainsi de parasiter durablement l’agenda diplomatique du chef de l’État.
Car au-delà de l’indispensable clarification des propos présidentiels, c’est une réflexion de fond sur le positionnement de la France à l’égard de son ancien empire colonial qui s’impose. Un sujet hautement inflammable qui promet de relancer le débat sur les relations tumultueuses entre Paris et Port-au-Prince.
Il faut espérer que cette polémique servira de piqûre de rappel à Emmanuel Macron et l’incitera à plus de prudence. La France a un rôle crucial à jouer pour accompagner Haïti sur le chemin de la stabilité et du développement. Mais cela ne pourra se faire sans un changement de logiciel et une remise en question profonde de certains réflexes paternalistes.
– Analyse d’un diplomate spécialiste de la région
Une chose est sûre, cette nouvelle bourrasque médiatique va obliger le locataire de l’Élysée à clarifier sa ligne sur ce sujet ô combien sensible. Un défi de taille pour un président en quête de redressement dans l’opinion mais dont la communication à l’international peine décidément à trouver le bon ton. La sortie de crise s’annonce délicate.