Une série à succès mondial, des tensions géopolitiques, une ville au riche passé multiculturel : voilà le cocktail explosif qui a enflammé Marseille ces derniers jours. La décision d’annuler le tournage de la saison 5 de Fauda, initialement prévu dans la cité phocéenne, a déclenché une vague de réactions, mêlant politique locale et débats sur la sécurité. Mais que s’est-il vraiment passé ? Pourquoi une production israélienne a-t-elle renoncé à poser ses caméras dans la deuxième ville de France ? Cet article plonge au cœur de cette controverse, entre accusations d’antisémitisme, logistique complexe et rivalités politiques à l’approche des municipales de 2026.
Fauda : une série qui ne laisse personne indifférent
Fauda, qui signifie « chaos » en arabe, est une série israélienne diffusée sur Netflix, connue pour son réalisme brut et son exploration des tensions entre une unité d’agents infiltrés israéliens et des combattants palestiniens. La série, qui a conquis un public mondial, est autant saluée pour son intensité dramatique que critiquée pour sa représentation du conflit israélo-palestinien. Pour sa cinquième saison, la production avait prévu de tourner certaines scènes à Marseille, avec des images emblématiques de la ville, comme la basilique Notre-Dame de la Garde, déjà visibles dans la bande-annonce. Mais ce projet a été stoppé net, suscitant une tempête de réactions.
Pourquoi Marseille ? La ville, façonnée par des siècles d’immigration, abrite des communautés juives et musulmanes parmi les plus importantes d’Europe. Ce mélange culturel, souvent vu comme une richesse, peut aussi devenir un terrain fertile pour les tensions, surtout dans un contexte géopolitique sensible. L’annonce du tournage a immédiatement attiré l’attention, certains y voyant une opportunité de rayonnement pour la ville, d’autres un risque de polémique.
Une annulation aux motifs flous
Lundi, des médias israéliens ont rapporté que le tournage à Marseille avait été annulé pour des raisons de sécurité. Cette nouvelle a provoqué un tollé, notamment parmi les responsables politiques locaux. Une figure politique de droite a publiquement déploré que la ville puisse être perçue comme un lieu où l’antisémitisme empêcherait des artistes de travailler. Cependant, la société de production, YES Studios, a rapidement démenti, affirmant que la sécurité n’était pas en cause. Selon eux, le projet a été transféré à Budapest pour des raisons purement logistiques.
« Les questions de sécurité ne sont pas à l’origine du transfert du tournage de la 5e saison à Budapest. »
YES Studios, société de production de Fauda
Pourtant, selon des sources proches du dossier, le contexte géopolitique aurait joué un rôle déterminant. La production aurait craint des perturbations, à l’image de celles observées en Espagne lors d’événements comme la Vuelta, où des manifestants pro-palestiniens ont causé des blocages. À Marseille, la mairie a précisé que le projet n’avait même pas atteint le stade des autorisations de tournage, renforçant l’idée que des obstacles logistiques, mais aussi politiques, ont précipité cette décision.
Marseille : une ville sous tension
Marseille, avec son histoire d’immigration et sa diversité, est souvent célébrée comme un creuset culturel. Mais cette richesse peut aussi devenir une source de tensions. Depuis l’attaque du 7 octobre 2023, les actes antisémites ont augmenté en France, y compris dans les Bouches-du-Rhône. Selon les chiffres officiels, entre janvier et mai 2025, 504 actes antisémites ont été recensés dans le pays, soit une baisse de 24 % par rapport à l’année précédente, mais un doublement par rapport à 2023.
Période | Actes antisémites recensés | Comparaison avec 2023 |
---|---|---|
Janvier-Mai 2025 | 504 | +134 % |
Janvier-Mai 2024 | 663 | – |
Dans les Bouches-du-Rhône, les dégradations, comme les tags ou inscriptions antisémites, ont particulièrement augmenté, bien que les agressions physiques soient restées stables. Ce climat tendu a alimenté les spéculations autour de l’annulation du tournage. Certains y voient une conséquence directe de ces tensions, tandis que d’autres estiment que la ville souffre d’une image exagérément négative.
Un débat politique explosif
À l’approche des élections municipales de 2026, la polémique autour de Fauda a pris une tournure résolument politique. Les élus locaux, de gauche comme de droite, se sont emparés du sujet pour s’accuser mutuellement sur les réseaux sociaux. Pour certains, l’annulation du tournage est une preuve de l’insécurité croissante à Marseille, une ville déjà marquée par une réputation sulfureuse. Pour d’autres, c’est une occasion manquée de valoriser l’attractivité culturelle et touristique de la ville.
Une représentante d’une organisation juive locale a déploré que cette décision ternisse l’image de Marseille, tout en rappelant que la ville lutte depuis longtemps contre une perception négative en matière de sécurité. Ce débat a ravivé les discussions sur la capacité de Marseille à gérer sa diversité et à accueillir des projets internationaux dans un climat apaisé.
« Cette décision entache l’image de la ville, mais Marseille a toujours eu une image sulfureuse. »
Fabienne Bendayan, représentante locale du Crif
Les dessous d’une décision complexe
L’annulation du tournage soulève des questions plus larges sur la capacité des villes multiculturelles à naviguer dans un monde marqué par des tensions géopolitiques. Si YES Studios insiste sur des raisons logistiques, il est difficile d’ignorer le poids du contexte international. La série Fauda, par sa thématique sensible, peut cristalliser des oppositions, surtout dans une ville comme Marseille, où les sensibilités communautaires sont exacerbées.
Les défis logistiques évoqués par la mairie ne sont pas anodins. Organiser un tournage d’envergure nécessite des autorisations, des fermetures de rues, et une coordination complexe avec les autorités locales. Dans un climat marqué par une récente agression au couteau en centre-ville, la prudence a peut-être prévalu. Mais au-delà des aspects techniques, c’est bien le spectre des tensions géopolitiques qui plane sur cette affaire.
Marseille face à son image
Marseille, avec son port ouvert sur la Méditerranée, a toujours été une ville de contrastes. Elle est à la fois un symbole de diversité Queensland et un lieu de défis en matière de sécurité et de cohésion sociale. L’affaire Fauda a remis en lumière ces défis, tout en soulignant les opportunités manquées pour la ville de se présenter sous un jour positif.
Pour les habitants, cette polémique est aussi une occasion de réfléchir à l’avenir de leur ville. Comment concilier diversité culturelle et attractivité internationale ? Comment dépasser les stéréotypes pour faire de Marseille un lieu où les projets artistiques et culturels peuvent s’épanouir sans crainte ? Ces questions, loin d’être théoriques, sont au cœur des débats qui animent la ville à l’approche des échéances électorales.
- Diversité culturelle : un atout historique de Marseille, mais aussi une source de tensions.
- Contexte géopolitique : un facteur clé dans les décisions de production.
- Image de la ville : un défi constant pour Marseille, entre richesse culturelle et réputation sulfureuse.
Vers un apaisement des tensions ?
Si l’annulation du tournage de Fauda a suscité autant de remous, c’est qu’elle touche à des enjeux profonds : la coexistence des communautés, la gestion des tensions géopolitiques, et la capacité de Marseille à se réinventer comme une ville ouverte et accueillante. Les débats en cours montrent que ces questions ne seront pas résolues du jour au lendemain. Mais ils offrent aussi une opportunité de repenser l’avenir de la cité phocéenne.
En attendant, le transfert du tournage à Budapest laisse un goût amer à Marseille. La ville, souvent sous les feux des projecteurs pour de mauvaises raisons, devra continuer à travailler pour transformer son image et saisir les opportunités culturelles qui s’offrent à elle. La polémique autour de Fauda n’est peut-être qu’un symptôme d’enjeux plus larges, mais elle rappelle que Marseille reste une ville à la croisée des chemins.