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Polémique : Delogu Parle de « Racisé » au Pouvoir à Saint-Denis

Dans un meeting à Saint-Denis, Sébastien Delogu déclare qu'il est temps qu'un "racisé" dirige ces villes marquées par l'immigration pour que le "réel peuple de France" reprenne le pouvoir. Ces mots, prononcés en soutien à Bally Bagayoko, soulèvent une vive controverse. Que cache cette vision de la politique locale ? La campagne municipale 2026 s'annonce explosive...

Imaginez une salle comble dans une ville de Seine-Saint-Denis, l’air chargé d’électricité politique. Un député monte sur scène pour soutenir un candidat local et lâche des mots qui font bondir une partie de l’opinion publique. C’est exactement ce qui s’est passé récemment avec Sébastien Delogu, figure connue de la gauche radicale, venu appuyer Bally Bagayoko pour les prochaines élections municipales.

Une déclaration qui met le feu aux poudres

Les termes employés par Sébastien Delogu n’ont pas laissé indifférent. Il a parlé de l’opportunité qu’enfin un racisé dirige ces villes où de nombreux immigrés ont transité au fil des décennies. Selon lui, cela permettrait au réel peuple de France de reprendre le pouvoir. Ces phrases, capturées en vidéo et largement diffusées sur les réseaux, ont immédiatement déclenché un torrent de réactions.

Dans un contexte où les débats sur l’identité, l’immigration et la représentation politique sont déjà tendus, cette intervention tombe comme une étincelle dans une poudrière. Elle interroge sur la vision de la gauche insoumise concernant la diversité et le pouvoir local.

Mais avant d’aller plus loin, remettons les choses en perspective. Qui sont les protagonistes de cette affaire et quel est l’enjeu électoral à Saint-Denis et Pierrefitte-sur-Seine ?

Le contexte électoral en Seine-Saint-Denis

Saint-Denis, ville emblématique de la banlieue nord de Paris, est un bastion historique de la gauche. Longtemps dirigée par des communistes, elle est passée aux mains des socialistes lors des dernières municipales. Pierrefitte-sur-Seine, voisine, suit une trajectoire similaire.

Pour les élections de mars 2026, un rapprochement inattendu s’opère. La France insoumise et le Parti communiste français, qui s’étaient présentés séparément en 2020, décident cette fois de faire liste commune. À sa tête : Bally Bagayoko, un militant insoumis de 52 ans, déjà connu localement pour son engagement.

Cette union est présentée comme un front commun pour proposer un projet de rupture face à la gestion socialiste actuelle. Soutenu par le mouvement citoyen « Seine-Saint-Denis au cœur », la liste ambitionne de reconquérir la mairie sur un programme résolument à gauche.

C’est dans ce cadre que Sébastien Delogu, député des Bouches-du-Rhône et figure médiatique de LFI, est venu prêter main-forte lors d’un meeting de campagne.

Les mots exacts qui font débat

Revenons à la citation précise. Sébastien Delogu a déclaré : « L’opportunité qu’enfin un racisé dirige ces villes où beaucoup d’immigrés sont passés et fasse en sorte que le réel peuple de France reprenne le pouvoir. »

L’opportunité qu’enfin un racisé dirige ces villes où beaucoup d’immigrés sont passés et fasse en sorte que le réel peuple de France reprenne le pouvoir.

Sébastien Delogu, meeting de soutien à Bally Bagayoko

Plusieurs éléments sautent aux yeux. D’abord, l’emploi du terme racisé, popularisé dans les milieux militants pour désigner les personnes victimes de discriminations raciales. Ensuite, l’idée que la direction par une personne issue de l’immigration serait une opportunité historique. Enfin, cette opposition entre un pouvoir actuel perçu comme illégitime et le réel peuple qui devrait le récupérer.

Ces formulations soulèvent des questions profondes sur la conception de la représentation politique. Doit-on privilégier l’origine ethnique ou culturelle d’un élu ? Le « peuple » est-il défini par ses racines immigrées ou par sa classe sociale ?

Les réactions à cette prise de position

La vidéo a rapidement fait le tour des réseaux sociaux. D’un côté, certains soutiens de la liste y voient une reconnaissance légitime de la diversité démographique de ces territoires. Saint-Denis compte en effet une population très cosmopolite, avec une forte proportion d’habitants issus de l’immigration.

De l’autre côté, les critiques fusent. Beaucoup y décèlent une forme de communautarisme déguisé, où l’origine primerait sur la compétence ou le projet politique. L’expression « réel peuple de France » est particulièrement pointée du doigt : qui est ce réel peuple ? Et par opposition, qui serait l’irréel ou le faux ?

Cette polémique s’inscrit dans un débat plus large sur la gauche française. Une partie accuse LFI de dériver vers une politique identitaire importée des campus américains, au détriment de l’universalisme républicain traditionnel.

D’autres défendent au contraire une mise à jour nécessaire du discours progressiste, tenant compte des réalités sociologiques contemporaines.

Saint-Denis : une ville symbole des transformations françaises

Pour comprendre l’ampleur de la controverse, il faut regarder l’histoire récente de Saint-Denis. La ville a connu une mutation démographique profonde depuis les années 1970-1980. Des vagues successives d’immigration, d’abord portugaise, puis maghrébine, subsaharienne et plus récemment asiatique, ont redessiné son visage.

Aujourd’hui, une large majorité des habitants sont issus de l’immigration ou enfants d’immigrés. Les quartiers populaires concentrent des populations précaires, confrontées au chômage, à la précarité logement et aux difficultés d’intégration.

Dans ce contexte, la question de la représentation politique est brûlante. Les élus actuels sont-ils à l’image de leurs administrés ? La gauche radicale répond par l’affirmative en promouvant des candidatures issues de ces milieux.

Mais cela pose aussi la question de l’universalisme. La République française, fondée sur l’égalité citoyenne indépendamment des origines, accepte-t-elle une politique qui met en avant l’identité raciale ou ethnique ?

Le profil de Bally Bagayoko

Bally Bagayoko n’est pas un inconnu en politique locale. Âgé de 52 ans, il milite depuis longtemps au sein de La France insoumise. Originaire du Mali, arrivé enfant en France, il incarne cette diversité que ses soutiens veulent mettre en avant.

Son parcours est marqué par l’engagement associatif et syndical. Il a été conseiller municipal d’opposition et connaît bien les dossiers locaux : logement, éducation, sécurité.

La liste qu’il conduit se veut porteuse d’un projet de rupture : augmentation des moyens pour les services publics, lutte contre la spéculation immobilière, développement écologique et social.

Mais au-delà du programme, c’est bien sa personne et ce qu’elle symbolise qui cristallise les débats actuels.

L’alliance LFI-PCF : une stratégie gagnante ?

L’union entre insoumis et communistes n’est pas nouvelle en Seine-Saint-Denis. Le département reste l’un des derniers bastions du PCF, même affaibli. En 2020, la division avait profité aux socialistes.

Cette fois, les deux formations espèrent capitaliser sur leur complémentarité. Les communistes apportent leur ancrage historique et leur gestion passée, les insoumis leur dynamisme et leur discours offensif.

Mais cette alliance sera-t-elle suffisante pour l’emporter ? Les municipales se jouent souvent sur des enjeux très concrets : propreté, sécurité, écoles. Le discours national peut parfois desservir les candidats locaux.

La polémique actuelle pourrait mobiliser l’électorat de gauche radicale, mais aussi le détourner si elle est perçue comme trop clivante.

Le débat sur le « racisé » en politique

Le terme « racisé » divise profondément la société française. Pour ses défenseurs, il permet de nommer les discriminations réelles subies par certaines populations. Pour ses détracteurs, il importe une vision racialiste incompatible avec le modèle républicain.

Dans le champ politique, son utilisation par un élu national comme Sébastien Delogu marque une évolution. Il y a quelques années, un tel vocabulaire était confiné aux cercles militants. Aujourd’hui, il entre dans l’arène électorale.

Cela reflète une tension au sein de la gauche : entre ceux qui veulent maintenir l’universalisme classique et ceux qui prônent une approche plus intersectionnelle, tenant compte des discriminations croisées (classe, genre, origine).

La campagne de Saint-Denis devient ainsi un laboratoire de ces débats idéologiques.

Quelles conséquences pour la campagne ?

À quelques mois du scrutin, cette affaire pourrait avoir plusieurs effets. D’abord, elle met la liste Bagayoko sous les projecteurs nationaux, ce qui n’est pas forcément négatif pour mobiliser les militants.

Mais elle risque aussi de braquer une partie de l’électorat modéré, attaché à un discours plus consensuel. Les socialistes sortants pourraient en profiter pour se poser en gestionnaires responsables face à une gauche jugée extrême.

Enfin, elle alimente le narratif d’une gauche insoumise déconnectée des valeurs républicaines, un argument souvent utilisé par ses adversaires.

Les prochains meetings et interventions des candidats seront scrutés. Sauront-ils recentrer le débat sur les enjeux locaux ou cette polémique continuera-t-elle de dominer ?

Vers une nouvelle conception du peuple ?

L’expression « réel peuple de France » mérite qu’on s’y arrête. Elle fait écho à une rhétorique populiste qui oppose le peuple aux élites. Mais ici, elle semble prendre une dimension particulière.

En liant la reprise du pouvoir à la direction par un « racisé », le discours suggère que le peuple authentique serait celui des quartiers populaires, majoritairement issu de l’immigration. Cela pose question : les Français d’origine plus ancienne sont-ils exclus de ce « réel peuple » ?

Cette vision classe-centrée teintée d’identitaire marque une évolution notable dans le discours de la gauche radicale française.

Elle pourrait séduire dans les territoires concernés, où beaucoup se sentent oubliés par les institutions. Mais elle risque de creuser le fossé avec d’autres parties du pays.

Conclusion : un scrutin sous haute tension

Les municipales de 2026 à Saint-Denis et Pierrefitte s’annoncent passionnantes. Au-delà des programmes, c’est une certaine idée de la France qui se joue dans ces villes.

La déclaration de Sébastien Delogu a ouvert une boîte de Pandore. Elle révèle les tensions internes à la gauche, les évolutions sociologiques profondes et les défis de la représentation dans une société diverse.

Quel que soit le résultat, cette campagne marquera probablement un tournant dans la manière dont on parle d’identité et de pouvoir en France. Les électeurs auront le dernier mot, entre rupture et continuité, entre universalisme et reconnaissance des particularités.

Une chose est sûre : la politique locale n’a jamais été aussi nationale.


(Article rédigé à partir d’informations publiques disponibles au 29 décembre 2025. Les opinions exprimées n’engagent que l’auteur.)

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