En cette année 2024 marquant le 70ème anniversaire du déclenchement de la guerre d’Algérie, France Télévisions se retrouve au cœur d’une vive polémique suite à la diffusion de “Petite Casbah”, une série animée se déroulant à Alger en 1955. Alors que certains saluent une œuvre sensibilisant le jeune public à cette période complexe de l’histoire franco-algérienne, d’autres y voient une regrettable tentative de réécriture historique à la gloire du FLN.
Quand le dessin animé se met au service de l’Histoire
Destinée aux enfants à partir de 7 ans, “Petite Casbah” raconte le quotidien de Khadidja, une fillette kabyle de 10 ans qui, pendant l’été 1955, rejoint son frère à Alger. Aux côtés de ses nouveaux amis Lyes, Philippe et Ahmed, elle va être confrontée aux réalités de la colonisation française et à la montée des tensions indépendantistes. À travers ses yeux innocents, le spectateur découvre les dessous de l’Algérie française.
Les créatrices Alice Zeniter et Alice Carré, toutes deux descendantes de pieds-noirs, revendiquent une approche historique pédagogique et nuancée, destinée à ouvrir le dialogue entre les générations. Elles ont ainsi travaillé avec un comité d’historiens pour reconstituer le plus fidèlement possible le contexte de l’époque et créer des personnages complexes, loin des stéréotypes.
Un regard biaisé sur une période trouble ?
Pourtant, de nombreuses critiques émergent dès les premiers épisodes. D’après une source proche du dossier, des associations de harkis et de rapatriés d’Algérie dénoncent une série à la “gloire de l’indépendance algérienne”, présentant une vision manichéenne de la colonisation. Elles déplorent notamment le traitement fait de la “Toussaint Rouge”, les attentats meurtriers perpétrés par le FLN le 1er novembre 1954.
La série évoque en effet ces événements de façon plutôt détournée, les englobant dans un mouvement de révolte plus large des Algériens contre une domination française injuste. Un positionnement qui fait bondir certains téléspectateurs, y voyant une forme de révisionnisme voire de propagande pro-FLN.
Le devoir de mémoire en question
Face à ces critiques, France Télévisions assume son choix éditorial, estimant primordial d’aborder cette page douloureuse de l’histoire commune entre la France et l’Algérie, y compris auprès du jeune public. La diffusion de “Petite Casbah” s’inscrirait ainsi dans une mission éducative et citoyenne, visant à déconstruire les préjugés de part et d’autre.
Notre rôle est d’éveiller les consciences. Cette série ne prétend pas détenir la vérité historique, mais elle offre un regard, celui d’une génération en quête de sens et de dialogue.
Un responsable de France Télévisions
Au-delà des clivages mémoriels, “Petite Casbah” a le mérite de rouvrir le débat sur la transmission du passé colonial français auprès des nouvelles générations. À l’heure où la guerre d’Algérie suscite toujours des blessures et des non-dits dans la société française, cette fiction jeunesse bouscule avec audace les représentations. Reste à voir si elle parviendra à réconcilier les mémoires, 70 ans après le début de ce conflit douloureux.