Alors que les Pays-Bas font un retour remarqué à l’Euro 2024 en Allemagne, accompagnés comme toujours de leur légendaire armée orange, une polémique inattendue a surgi dès leur premier match. Parmi les milliers de supporters bataves présents dans les tribunes, trois d’entre eux ont particulièrement attiré l’attention, et suscité la controverse.
Des supporters déguisés en Ruud Gullit
Les fans en question arboraient fièrement le mythique maillot orange de 1988, celui de l’unique titre néerlandais dans la compétition. Mais c’est surtout leur déguisement qui a fait réagir : visages peints en noir, perruques à dreadlocks… Ils avaient choisi d’incarner pour l’occasion l’une des stars de l’époque : le charismatique Ruud Gullit.
Ce qui se voulait a priori un hommage à une légende du football néerlandais a rapidement pris une tout autre tournure sur les réseaux sociaux. De nombreux internautes ont dénoncé ce qui s’apparentait clairement selon eux à un cas de blackface, cette pratique consistant à se grimer de manière caricaturale en personne noire, pointée du doigt pour son caractère raciste.
Ruud Gullit se dit “honoré”
Interrogé par le quotidien néerlandais De Telegraaf, le principal intéressé Ruud Gullit a réagi à la polémique en adoptant une position plutôt conciliante. Loin de s’offusquer, l’ancien attaquant star s’est dit au contraire “honoré” par cette initiative de supporters. Une réaction qui n’a pas manqué de susciter des réactions contrastées.
C’est une forme d’hommage, même si je comprends que cela puisse choquer. Le racisme est un sujet sensible et complexe.
– Ruud Gullit
Le blackface, une pratique décriée
Si les intentions de ces supporters semblaient au départ louables, leur mode d’expression interroge. La pratique du blackface, ancrée dans une tradition de représentations stéréotypées et dégradantes des personnes noires, est aujourd’hui largement considérée comme une forme de racisme à part entière.
Malgré une prise de conscience croissante, les polémiques autour du blackface ressurgissent régulièrement, preuve que le chemin vers une société débarrassée de ces caricatures est encore long. Le monde du sport, et du football en particulier, cristallise souvent ces tensions, pour le meilleur comme pour le pire.
Une affaire qui divise
Si la réaction bienveillante de Ruud Gullit a pu apaiser quelque peu les esprits, elle est loin de faire l’unanimité. Pour beaucoup, cautionner ce type de pratiques, même avec les meilleures intentions du monde, revient à normaliser des comportements fondamentalement problématiques.
D’autres en appellent à plus de nuance et de contextualisation, voyant dans la réaction de l’ancien joueur une main tendue vers plus de dialogue et de compréhension mutuelle. Une chose est sûre, l’affaire ne manquera pas de nourrir les débats, bien au-delà des terrains de l’Euro.
Le nécessaire combat contre le racisme
Au-delà de cette polémique spécifique, c’est bien la question plus large du racisme et des discriminations dans le football et la société qui est posée. Si des progrès ont été faits ces dernières années, avec des campagnes de sensibilisation et des sanctions renforcées, le chemin à parcourir reste long.
Des initiatives comme le genou à terre avant les matches ou les campagnes “No to racism” de l’UEFA témoignent d’une prise de conscience à l’échelle du football européen. Mais elles doivent s’accompagner d’un travail de fond sur les mentalités, l’éducation et l’inclusion.
Car tant que des supporters, même animés des meilleures intentions, ne réaliseront pas la portée de gestes comme le blackface, c’est que le message antiraciste n’aura pas été entièrement intégré. L’enjeu est de taille, et dépasse largement le cadre d’un Euro ou d’une polémique isolée.
Vers plus de conscience et de respect
En définitive, cette affaire est l’occasion d’une prise de conscience salutaire. Elle nous rappelle la nécessité de déconstruire certains réflexes culturels profondément ancrés, et de faire preuve de davantage d’empathie et de respect envers autrui.
Le football, par sa popularité et son impact, a un rôle majeur à jouer dans cette évolution des mentalités. En prônant des valeurs d’ouverture, de tolérance et de fairplay, en mettant en avant des figures iconiques issues de la diversité comme Ruud Gullit en son temps, le ballon rond peut être un formidable vecteur de changement.
Gageons que cette polémique autour des supporters “Ruud Gullit” de l’Euro 2024 soit l’occasion d’un débat apaisé et constructif. Et qu’elle contribue, à sa mesure, à faire avancer la cause d’une société plus juste et inclusive, sur les terrains et en dehors.