Le déplacement de la ministre de l’Éducation Élisabeth Borne à Mayotte, deux semaines après le passage dévastateur du cyclone Chido, ne se déroule pas comme prévu. Alors qu’elle visitait une école à Kawéni ce lundi en compagnie du Premier ministre François Bayrou, l’ex-cheffe du gouvernement a été prise à partie par deux enseignants bénévoles mécontents. Une séquence très commentée qui vient ternir ce déplacement ministériel sur une île meurtrie.
Échange tendu avec des professeurs à Mayotte
La scène, captée par les caméras de BFMTV, se déroule lors d’une visite d’Élisabeth Borne dans une école de Kawéni, une commune du nord-est de Mayotte particulièrement touchée par le cyclone Chido mi-décembre. Interpellée par deux professeurs bénévoles sur le manque d’aides de l’État sur le terrain, notamment dans les bidonvilles de l’île, la ministre a tenté de défendre l’action du gouvernement :
La réalité est qu’il y a eu des distributions, comme vous l’avez fait […] Elles existent et peut-être que les gens ne sont pas bien informés.
Élisabeth Borne, ministre de l’Éducation nationale
Une réponse qui n’a pas convaincu ses interlocuteurs. L’un d’eux a répliqué en pointant la difficulté pour les habitants des bidonvilles de se rendre dans les points de distribution de nourriture et d’eau, distants de plusieurs kilomètres. « C’est 10 kilomètres en plein cagnard, sans eau, ni nourriture, c’est impossible, infaisable« , a martelé l’enseignant. Élisabeth Borne a alors mis fin à l’échange en tournant les talons, lâchant un simple « ok » qui a ulcéré les deux professeurs.
Borne critiquée pour son « mépris »
Les images de cet échange sec ont suscité l’indignation sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes et responsables politiques fustigeant l’attitude jugée « méprisante » de la ministre. Le premier secrétaire du PS Olivier Faure a dénoncé un comportement inadmissible :
Une ministre ne peut pas tourner les talons en méprisant le témoignage d’enseignants qui alertent sur la situation sanitaire.
Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste
Une colère partagée par Ian Brossat, porte-parole du PCF, qui a fustigé sur Twitter « l’empathie d’un poisson mort » de l’ex-Première ministre. À droite aussi, des voix se sont élevées à l’instar du député LR Aurélien Pradié pour qui « ce mépris n’est pas un détail ».
Le lourd bilan du cyclone Chido
Élisabeth Borne effectue ce déplacement de deux jours à Mayotte aux côtés de François Bayrou et de plusieurs ministres pour évaluer la situation après le passage fin décembre du cyclone Chido. Cette tempête tropicale d’une intensité inédite a fait au moins 4 morts et des dizaines de blessés, et laissé derrière elle un paysage de désolation.
Plus de 60% des habitations de l’archipel ont subi des dégâts, des dizaines de milliers de personnes se retrouvant sans abri. Les infrastructures publiques (écoles, hôpitaux, routes…) ont également été durement touchées, alors que l’accès à l’eau et à l’électricité reste très perturbé dans de nombreuses communes.
Le plan de reconstruction du gouvernement
Face à l’ampleur des dégâts, le gouvernement a dévoilé ce lundi un plan d’urgence baptisé « Mayotte Debout » et doté d’une enveloppe de 150 millions d’euros. François Bayrou a promis une « mobilisation exceptionnelle » de l’État avec l’objectif de « reconstruire en mieux et plus vite » :
L’État va aider Mayotte à se relever et à se reconstruire, avec un effort massif qui se déploiera dans la durée.
François Bayrou, Premier ministre
Selon Matignon, une partie des fonds d’urgence sera débloquée dans les semaines à venir pour engager les chantiers prioritaires : réparation des réseaux d’eau et d’électricité, reconstruction des écoles et des logements précaires, remise en état des routes… Un « effort dans la durée » a été promis, avec une reconstruction qui pourrait prendre « des mois, voire des années » selon François Bayrou.
La crise sociale s’ajoute à la crise climatique
Mais au-delà des dégâts matériels, le cyclone Chido a aussi mis en lumière la grande précarité d’une partie de la population mahoraise, notamment dans les nombreux bidonvilles de l’île. Des zones très denses où s’entassent des milliers de migrants comoriens, souvent en situation irrégulière, dans des conditions d’hygiène et de sécurité déplorables.
Une réalité que les pouvoirs publics peinent à prendre à bras le corps, malgré les alertes répétées des associations. Avec 84% de la population vivant sous le seuil de pauvreté, un chômage endémique et des services publics défaillants, Mayotte cumule les difficultés. Des problématiques sociales lourdes que le passage du cyclone a encore aggravées.
En se rendant sur place, François Bayrou et ses ministres espèrent démontrer « l’engagement total » de l’exécutif aux côtés des Mahorais. Mais les polémiques qui émaillent ce déplacement rappellent la défiance d’une partie de la population envers des pouvoirs publics jugés trop absents. Le chantier de la reconstruction de Mayotte s’annonce long et périlleux pour le gouvernement, sur une île marquée par les crises à répétition.