C’est une décision qui ne passe pas. À Strasbourg, le choix de la mairie Europe Écologie Les Verts (EELV) de plonger la majestueuse cathédrale dans le noir dès 23 heures, au nom d’économies d’énergie, suscite une vive polémique. Depuis mi-septembre, le monument emblématique de la ville s’éteint comme une bougie, une heure plus tôt qu’auparavant. Un changement brutal qui choque les Strasbourgeois et les amoureux du patrimoine.
La cathédrale fantôme
Tout a commencé quand Olivier Hannauer, photographe strasbourgeois passionné par la cathédrale, a remarqué que “le phare”, comme il la surnomme, était éteint en pleine nuit. Lui qui immortalise l’édifice gothique sous toutes les lumières a été stupéfait par cette disparition soudaine :
À 22h58, elle est entièrement allumée. Et à 23h03, c’est tout l’édifice qui est plongé instantanément dans le noir, y compris la flèche. C’est d’une tristesse sans nom…
Olivier Hannauer, photographe
Son cliché stupéfiant, montrant la rue de la cathédrale animée avec les terrasses pleines et le monument invisible en arrière-plan, a enflammé les réseaux sociaux. Les réactions indignées se sont multipliées, beaucoup y voyant un sacrilège envers ce joyau du patrimoine mondial de l’UNESCO.
Des économies au compte-gouttes
Face au tollé, la municipalité EELV justifie sa décision par une volonté “d’exemplarité” en matière de sobriété énergétique. Mais les économies réalisées semblent dérisoires face au préjudice symbolique. D’après les calculs de certains élus d’opposition, éteindre la cathédrale une heure plus tôt ne permettrait d’économiser que… 4,80 euros par jour en électricité.
Un montant ridicule pour un monument qui fait la fierté des Strasbourgeois et attire chaque année des millions de visiteurs. D’autant que l’éclairage LED de la cathédrale, mis en place en 2016, avait déjà permis de réduire la consommation de 85%. Faut-il sacrifier ce chef-d’œuvre gothique sur l’autel de l’écologie ?
L’art de la lumière bafoué
Au-delà de l’aspect financier, c’est toute une œuvre d’art qui est dénaturée. La société Acte Lumière, qui a conçu la mise en lumière de la cathédrale en 2015, rappelle que cet éclairage est un concept artistique à part entière, avec une extinction progressive jusqu’au matin :
L’extinction progressive faisait partie intégrante de la mise en lumière, primée par 6 prix internationaux pour son excellence. Nous aurions aimé être consultés avant ce changement brutal.
Acte Lumière
Une extinction au couvre-feu qui fait l’effet d’un éteignoir sur ce joyau de l’art gothique. Et qui interroge sur la place accordée au patrimoine et à la beauté dans l’espace public.
Entre symbolique et pragmatisme
Si la mairie assume ce choix, présenté comme un “effort collectif de sobriété énergétique”, il cristallise les tensions entre mesures écologiques et préservation du patrimoine. Beaucoup y voient un geste purement symbolique, déconnecté des réalités, voire une “punition” infligée aux Strasbourgeois.
Pourtant, dans un contexte de crise énergétique, chacun est appelé à la responsabilité. N’est-il pas normal que les collectivités montrent l’exemple, même de façon modeste ? Le débat est lancé et les avis tranchés. Une chose est sûre : plonger la cathédrale dans le noir ne fait pas l’unanimité…
L’avenir de la cathédrale en question
Comme souvent avec les mesures des mairies écologistes, cette extinction fait polémique. Entre principe de réalité et radicalité, la ligne est parfois difficile à tenir. Surtout quand il s’agit de patrimoine, qui cristallise les passions et l’identité d’une ville.
Pour l’heure, la municipalité ne semble pas prête à revenir sur sa décision. Reste à savoir si la grogne des Strasbourgeois sera suffisamment forte pour faire vaciller les certitudes des élus Verts. La bataille entre la cathédrale et l’écologie ne fait peut-être que commencer…
