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Polémique à Sofia : John Malkovich crée la controverse avec une pièce anti-guerre

Une pièce anti-guerre mise en scène par John Malkovich à Sofia déclenche la colère des nationalistes bulgares. Entre manifestations et accusations de ridiculiser les héros, une polémique qui en dit long sur le climat tendu en Bulgarie. Mais l'art doit-il se plier aux passions ?

Sofia, la capitale bulgare, est le théâtre d’une vive polémique suite à la première de la pièce “L’Homme et les armes” mise en scène par le célèbre acteur américain John Malkovich. Des centaines de manifestants nationalistes se sont insurgés contre cette œuvre jugée “anti-guerre” et accusée de “ridiculiser” les héros de l’armée bulgare. Un tollé qui en dit long sur le climat politique tendu dans le pays.

John Malkovich au cœur de la tempête

Pour John Malkovich, il s’agissait d’une “pièce légère et amusante” qu’il avait déjà monté par le passé. Mais en Bulgarie, pays secoué par une crise politique sans précédent depuis 2021, sa satire du militarisme passe mal auprès des mouvements ultranationalistes. Drapeaux, chants patriotiques, insultes : la première a été prise d’assaut par une foule en colère.

Cette pièce est une honte et doit être interdite, elle se moque de nos ancêtres qui ont péri pour la Bulgarie

Yoana Ilieva, étudiante de 21 ans

Face à ces réactions, la star américaine s’est dite étonnée. “Le monde vit des temps étranges où les désirs de censure sont de plus en plus forts”, a-t-il commenté dans un triste sourire. Mais pour lui, il ne s’agit pas tant d’un rejet de la pièce en elle-même que d’un prétexte pour “attirer l’attention” dans un contexte de fortes tensions.

Une pièce qui divise

Si “L’Homme et les armes” de George Bernard Shaw avait déjà suscité des polémiques par le passé, elle n’avait jamais déclenché un tel déferlement de passion en Bulgarie. Pour le parti ultranationaliste Vazrajdane, troisième force parlementaire, “la pièce est médiocre” et la mise en scène “absolument inadéquate”.

L’Union des écrivains s’est également indignée de “la ridiculisation des milliers de soldats tombés sur le front pour la liberté et la réunification de la patrie”. Mais tous ne partagent pas cet avis. Dans le public, certains comme l’architecte Nikolay Hristov n’ont “rien vu d’anti-bulgare” dans cette comédie qui “porte plutôt sur l’amour et des histoires d’honneur”.

Un débat qui dépasse les frontières

Au-delà de la Bulgarie, cette polémique fait écho à une “tendance inquiétante des groupes d’extrême droite à travers l’Europe à vouloir entraver la liberté d’expression”, comme le souligne la Convention du théâtre européen (ETC) qui a apporté son soutien au théâtre de Sofia.

En effet, l’art et la culture sont de plus en plus pris pour cibles par les mouvements nationalistes et populistes qui y voient une menace pour l’identité et les valeurs traditionnelles. Une situation préoccupante pour de nombreux artistes et intellectuels.

John Malkovich, artiste engagé malgré lui

Quant à John Malkovich, il se retrouve malgré lui au centre d’un débat qui le dépasse. Habitué des rôles controversés au cinéma, il n’imaginait sans doute pas que cette pièce féroce mais “légère” provoquerait un tel séisme en Bulgarie.

Je suis sûr et certain que je n’ai jamais insulté aucun des 47 pays où j’ai travaillé

John Malkovich

Mais comme il le souligne lui-même, “le monde vit des temps étranges” où l’art est de plus en plus sujet à la censure et à l’indignation. Une réalité inquiétante qui en dit long sur l’état de nos démocraties et notre capacité à accepter des points de vue différents, même exprimés sur les planches d’un théâtre.

La culture, victime collatérale des passions politiques ?

Cette polémique autour de “L’Homme et les armes” illustre parfaitement les tensions qui traversent de nombreuses sociétés européennes aujourd’hui. Entre montée des nationalismes, crispations identitaires et rejet de l'”establishment” culturel, l’art et les artistes se retrouvent bien souvent pris en étau.

Faut-il pour autant renoncer à des œuvres qui dérangent, bousculent et interrogent ? C’est tout l’enjeu du débat qui agite actuellement la Bulgarie mais qui concerne en réalité l’Europe toute entière. Car comme le rappelait Jean Cocteau, “l’art est un mensonge qui dit la vérité”. Une vérité parfois difficile à entendre mais essentielle pour nos démocraties.

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