Un vent de tempête souffle sur l’hôtel de ville de Compiègne. Quatorze élus de la majorité municipale sont dans la tourmente après une décision retentissante du tribunal administratif d’Amiens. La juridiction leur ordonne de rembourser plus de deux ans d’indemnités perçues entre août 2022 et septembre 2024. Une somme qui pourrait s’élever à plusieurs dizaines de milliers d’euros par personne. Le maire Philippe Marini a immédiatement réagi en faisant appel et demandant la suspension de cette sentence qu’il juge “incompréhensible et injuste”. Retour sur une affaire qui agite la cité impériale et pose la question du statut et de la rémunération des élus locaux.
Une décision judiciaire qui fait l’effet d’une bombe
C’est un élu d’opposition, Étienne Diot, qui est à l’origine de cette procédure. Il a saisi le tribunal administratif en 2022 pour contester les délégations accordées par le maire à 14 adjoints et conseillers municipaux, jugeant leurs indemnités indues. Près de deux ans plus tard, le couperet tombe : non seulement la juridiction lui donne raison en annulant ces délégations, mais elle exige en plus que les élus concernés remboursent les sommes perçues sur toute la période.
Un véritable séisme dans le microcosme politique local. Car si la démission de certains adjoints en cours de mandat a pu rendre leurs délégations caduques, obliger la restitution des indemnités pendant une si longue période est rarissime. “C’est une décision stupéfiante et disproportionnée“, s’insurge Philippe Marini. “Ces élus ont travaillé pendant deux ans, ils ne peuvent pas rendre cet argent comme ça. On marche sur la tête !” Le maire a donc contre-attaqué en faisant appel et en demandant le gel de la sentence en attendant.
Les élus concernés sous le choc
Du côté des 14 élus directement visés, c’est la consternation. “Je suis abasourdi. On nous demande de rembourser des sommes qu’on a perçues en toute légalité pendant qu’on bossait pour la ville. C’est incompréhensible“, témoigne l’un d’eux sous couvert d’anonymat. “Ça représente plus de 20 000 euros pour moi. Je n’ai pas cet argent, je vais devoir vendre ma voiture ou contracter un prêt…” Des situations très délicates alors que le montant des indemnités pour un simple conseiller municipal tourne autour de 400 euros par mois.
L’opposition, elle, jubile et compte bien utiliser cette affaire comme un bélier politique. “C’est une excellente décision qui montre toute l’opacité de l’attribution de ces délégations et de ces indemnités par la majorité“, se félicite Étienne Diot. Mais le maire promet une contre-offensive musclée :
S’il y a une dette, elle sera payée. Mais je le redis, c’est profondément injuste. Je me battrai pour mes élus et pour qu’une telle décision ne puisse se reproduire ailleurs.
Philippe Marini, maire de Compiègne
Un débat relancé sur le statut de l’élu local
Au-delà du cas compiégnois, cette affaire remet sur le devant de la scène la question épineuse de la rémunération des élus locaux. Un sujet sensible alors que les indemnités sont souvent jugées trop élevées par l’opinion. Mais les associations d’élus mettent en avant la lourdeur de la tâche et des responsabilités.
Être élu, ce n’est pas un sacerdoce ou du bénévolat. C’est un engagement citoyen qui mérite d’être reconnu et valorisé à sa juste mesure.
Association des maires de France
Alors que les vocations se raréfient, certains plaident pour une clarification du cadre légal des indemnités et une forme de présomption de bonne foi des élus afin d’éviter ce genre de déconvenues. Mais pour Étienne Diot, pas question de transiger sur la transparence : “Les élus doivent rendre des comptes sur l’argent public qu’ils perçoivent et le travail qu’ils accomplissent. C’est la base d’une démocratie saine.“
Le feuilleton judiciaire et politique ne fait sans doute que commencer à Compiègne. Avec en toile de fond un débat de fond sur les droits et devoirs de nos élus de proximité. Une chose est sûre : tout le monde suivra avec attention le prochain épisode devant la cour administrative d’appel, qui dira si les 14 élus devront bel et bien rembourser leur “dette” à la ville. Réponse dans quelques mois.
Article rédigé par [Nom de l’auteur], juriste et analyste des politiques locales.