Une plainte retentissante pour torture, crimes de guerre, génocide et complicité a été déposée à Paris à l’encontre d’un soldat franco-israélien. Au cœur de l’affaire, une vidéo troublante montrant le traitement dégradant de prisonniers palestiniens dans la bande de Gaza. Face à l’inertie initiale du parquet, des organisations de défense des droits humains ont décidé de se constituer partie civile.
Une vidéo choquante à l’origine de la plainte
Publiée en mars dernier sur les réseaux sociaux, la vidéo incriminée met en scène un soldat s’exprimant en français et se livrant à des commentaires dégradants sur des hommes présentés comme des prisonniers palestiniens. On y voit un détenu entravé, les yeux bandés, portant une corde autour du cou, descendu d’un véhicule militaire. La voix du soldat se fait entendre :
T’as vu ces enculés, mon neveu ? Il s’est pissé dessus. Je vais te montrer son dos, tu vas rigoler, ils l’ont torturé pour le faire parler.
Plusieurs autres prisonniers, dans des conditions similaires, sont également visibles, entassés dans ce qui ressemble à un fourgon militaire. Les associations plaignantes estiment qu’ils doivent être considérés comme des prisonniers de guerre.
Le parquet antiterroriste a initialement classé la plainte
Une première plainte avait été déposée début septembre mais le parquet national antiterroriste (Pnat) l’avait classée sans suite, estimant que les faits apparaissaient « insuffisamment caractérisés ». Les éléments apportés n’étaient selon lui « pas suffisants pour établir l’existence d’éventuels actes matériels de complicité ».
Face à cette décision, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et ses organisations membres palestiniennes et françaises ont choisi de se constituer partie civile. Leur objectif : « combattre l’inertie du parquet » selon leur communiqué.
Torture et mauvais traitements des prisonniers palestiniens
Au-delà du cas du soldat franco-israélien mis en cause, les plaignants dénoncent un contexte généralisé d’atteintes à l’intégrité physique et de traitements dégradants envers les prisonniers palestiniens. Ils s’appuient sur des témoignages et rapports d’organes de l’ONU documentant ces mauvais traitements assimilés à de la torture :
- Violences physiques (coups, noyades simulées, chocs électriques, brûlures…)
- Violences sexuelles
- Violences psychologiques
Shawan Jabarin, directeur de l’association Al-Haq, souligne « l’urgence que la France enquête, poursuive et punisse ses ressortissants impliqués dans des crimes internationaux, y compris dans le génocide à Gaza ».
Un lourd bilan humanitaire des affrontements à Gaza
La vidéo fait notamment référence à l’attaque du mouvement islamiste palestinien Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre, qui a fait 1208 victimes côté israélien selon un décompte de l’AFP. L’offensive israélienne en représailles a quant à elle causé la mort d’au moins 45 028 personnes dans la bande de Gaza, en majorité des civils d’après le ministère de la Santé du Hamas, un bilan jugé fiable par l’ONU.
La CPI a émis des mandats d’arrêt pour crimes de guerre
En novembre dernier, la Cour pénale internationale (CPI) a émis des mandats d’arrêt à l’encontre du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, de son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant et du chef de la branche armée du Hamas Mohammed Deif pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Israël a fait appel de cette décision.
Pour les avocats des plaignants, Mes Clémence Bectarte et Alexis Deswaef, « face à l’ampleur des crimes commis, l’enquête menée par la CPI ne suffit pas. Chaque État qui peut exercer sa compétence doit ouvrir des enquêtes judiciaires ». Ils espèrent que cette nouvelle plainte permettra de faire avancer la recherche de la vérité et la lutte contre l’impunité des responsables de violations des droits humains.