Imaginez une vie où chaque jour est une lutte pour prouver votre innocence, où la justice semble jouer un jeu sans fin. C’est le quotidien de Pinar Selek, une sociologue franco-turque poursuivie depuis 27 ans par les autorités turques pour des accusations de terrorisme. Son procès, qui a déjà connu quatre acquittements, vient d’être renvoyé pour la sixième fois par un tribunal d’Istanbul. Une nouvelle audience est fixée au 2 avril 2026. Mais derrière ces reports incessants se cache une histoire de résilience, de combat pour la liberté académique et de résistance face à un système judiciaire qui semble vouloir briser une femme pour ses idées.
Pinar Selek : Une Vie Dédiée à la Recherche et à la Justice
Pinar Selek n’est pas une figure ordinaire. Sociologue et écrivaine, elle s’est spécialisée dans l’étude des mouvements féministes kurdes, un sujet sensible en Turquie. Ses travaux, qui explorent les dynamiques sociales et politiques des minorités, ont attiré l’attention des autorités dès 1998. Accusée d’être impliquée dans une explosion meurtrière au bazar aux épices d’Istanbul, elle a été arrêtée et emprisonnée. Pourtant, les preuves contre elle restent floues, et son cas illustre une persécution qui semble davantage liée à ses recherches qu’à des faits concrets.
Libérée en 2000 après deux ans de détention, Pinar Selek a continué à se battre pour sa réputation et sa liberté. Mais face à la pression constante, elle a dû s’exiler en France en 2009. Depuis, elle vit à Marseille, où elle poursuit son travail intellectuel tout en restant sous la menace d’un mandat d’arrêt international et d’une peine d’emprisonnement à vie.
Un Procès à Rallonge : Une Stratégie d’Usure ?
Le dernier renvoi du procès, annoncé le mardi 25 avril 2025, n’a rien d’une surprise pour les proches de Pinar Selek. L’audience, à peine ouverte, a été refermée, laissant place à une nouvelle date fixée au printemps 2026. Ce n’est pas la première fois que le tribunal repousse l’affaire. Depuis 27 ans, ce feuilleton judiciaire alterne entre acquittements et reports, comme si la justice turque cherchait à épuiser la sociologue et ses soutiens.
Ils pensent me fatiguer, mais ils n’arriveront pas à éteindre les lucioles. Le pouvoir est en train de perdre.
Pinar Selek, lors d’une visioconférence avec son comité de soutien
Cette citation, prononcée par Pinar Selek depuis Marseille, reflète sa détermination. Elle compare son combat à celui des lucioles, des lueurs fragiles mais persistantes face à l’obscurité. Pourtant, elle confie aussi sa crainte que l’attention médiatique s’essouffle face à ces reports à répétition.
Une Accusation Fragile mais Persistante
Les accusations portées contre Pinar Selek reposent principalement sur sa prétendue implication dans l’explosion de 1998 au bazar aux épices d’Istanbul, qui a causé sept morts. Cependant, les enquêtes n’ont jamais fourni de preuves solides liant la sociologue à cet événement. Arrêtée pour ses recherches sur la communauté kurde, elle a été accusée d’avoir des liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un mouvement considéré comme terroriste par la Turquie et ses alliés.
En juin 2024, une nouvelle pièce a été ajoutée au dossier : les autorités turques reprochent à Pinar Selek d’avoir participé à un événement en France organisé par le PKK. Cette accusation semble renforcer la volonté de maintenir la pression sur la chercheuse, même à distance. Pourtant, le PKK s’est engagé récemment dans un processus de désarmement et de paix, ce qui rend ces accusations encore plus discutables.
Depuis son exil, Pinar Selek continue de publier des ouvrages et de participer à des conférences, transformant son combat personnel en une lutte universelle pour les droits humains.
Le Rôle d’Interpol : Une Extradition Refusée
Un élément clé du procès concerne la demande d’extradition déposée par la Turquie auprès d’Interpol. Selon l’avocat de Pinar Selek, Me Akin Atalay, l’organisation internationale a refusé le mandat d’arrêt émis contre la sociologue. Cependant, le tribunal d’Istanbul semble ignorer cette décision, continuant à maintenir la menace d’une extradition. Ce désaccord entre les instances judiciaires turques et Interpol met en lumière les tensions autour de ce dossier, où la politique semble primer sur les faits.
Ce refus d’Interpol est un point crucial. Il suggère que l’accusation contre Pinar Selek manque de crédibilité à l’échelle internationale. Pourtant, la justice turque persiste, utilisant ce procès comme un outil pour intimider une intellectuelle dont les travaux dérangent.
Un Exil Forcé mais une Voix Toujours Active
Depuis son arrivée en France, Pinar Selek n’a pas cessé de s’exprimer. Installée à Marseille, elle continue ses recherches et ses engagements, notamment autour des questions de droits humains et de féminisme. Elle a également trouvé un soutien solide auprès d’organisations comme la Ligue des droits de l’homme, où elle espère suivre la prochaine audience en avril 2026.
Son exil, bien que douloureux, lui a permis de poursuivre son travail loin des pressions directes des autorités turques. Cependant, elle reste consciente du risque qui pèse sur elle : un retour en Turquie signifierait une arrestation immédiate. Cette réalité illustre le prix que payent de nombreux intellectuels lorsqu’ils abordent des sujets sensibles dans des contextes autoritaires.
Pourquoi ce Procès Compte-t-il ?
Le cas de Pinar Selek dépasse la simple question judiciaire. Il soulève des enjeux majeurs autour de la liberté académique, de la persécution politique et de la situation des minorités en Turquie. Voici quelques raisons pour lesquelles cette affaire mérite l’attention :
- Liberté d’expression : Les travaux de Pinar Selek sur les mouvements kurdes et féministes dérangent, car ils mettent en lumière des réalités que certains préfèrent ignorer.
- Justice instrumentalisée : Ce procès à rallonge montre comment la justice peut être utilisée pour réduire au silence des voix dissidentes.
- Solidarité internationale : Le soutien de la communauté académique et des organisations de défense des droits humains en France et ailleurs renforce la visibilité de son combat.
En outre, ce cas illustre les défis auxquels sont confrontés les exilés politiques. Pinar Selek n’est pas seule : des milliers de personnes à travers le monde fuient leur pays pour échapper à des persécutions similaires, souvent sans bénéficier de la même visibilité.
Un Combat qui Inspire
Le parcours de Pinar Selek est une source d’inspiration pour ceux qui croient en la justice et en la liberté. Malgré les années de pression, elle refuse de se taire. Ses ouvrages, ses conférences et son engagement auprès des mouvements féministes et sociaux continuent de faire entendre sa voix. Elle incarne une forme de résistance douce mais inébranlable, celle des lucioles qu’elle évoque si poétiquement.
Je ne me bats pas seulement pour moi, mais pour tous ceux qui sont persécutés pour leurs idées.
Pinar Selek, dans une déclaration récente
Son histoire rappelle que la lutte pour la vérité est un marathon, pas un sprint. Chaque renvoi de procès, chaque accusation infondée est une épreuve, mais aussi une opportunité de rallier des soutiens et de sensibiliser à la cause des droits humains.
Que Peut-on Attendre de l’Audience de 2026 ?
La prochaine audience, prévue pour avril 2026, sera une nouvelle étape dans ce long combat. Pinar Selek espère pouvoir la suivre depuis Paris, entourée de ses soutiens. Mais l’issue reste incertaine. Le tribunal pourrait-il prononcer un nouvel acquittement ? Ou continuera-t-il à prolonger cette saga judiciaire ? Une chose est sûre : la sociologue ne baissera pas les bras.
En attendant, son cas continue de susciter des débats sur la scène internationale. Des organisations de défense des droits humains, des universitaires et des militants se mobilisent pour faire pression sur les autorités turques et demander l’abandon des charges. Cette solidarité est essentielle pour maintenir l’attention sur une affaire qui risque de s’enliser dans l’indifférence.
Le combat de Pinar Selek est celui de tous ceux qui refusent de se taire face à l’injustice.
Un Appel à la Mobilisation
L’histoire de Pinar Selek est un rappel puissant que la justice n’est pas toujours impartiale. Dans de nombreux pays, des intellectuels, des militants et des citoyens ordinaires sont persécutés pour leurs idées ou leurs origines. Soutenir Pinar Selek, c’est défendre un principe universel : le droit de penser, de s’exprimer et de chercher la vérité.
Pour ceux qui souhaitent s’impliquer, plusieurs actions sont possibles :
- Se renseigner sur son cas et partager son histoire pour maintenir la pression médiatique.
- Soutenir les organisations comme la Ligue des droits de l’homme qui accompagnent Pinar Selek.
- Participer à des conférences ou des événements où elle intervient pour amplifier sa voix.
Chaque geste compte. En gardant les projecteurs braqués sur ce procès, nous pouvons contribuer à faire vaciller un système qui cherche à étouffer les voix dissidentes.
En conclusion, le combat de Pinar Selek est loin d’être terminé. Mais sa résilience face à l’adversité est une leçon pour nous tous. À travers ses recherches, ses écrits et son courage, elle continue d’éclairer le chemin pour ceux qui croient en un monde plus juste. La prochaine audience, en avril 2026, sera une étape de plus dans cette lutte. D’ici là, son histoire mérite d’être racontée, partagée et soutenue.
