Imaginez un homme qui, en une seule vie, a été journaliste à Dallas lors de l’assassinat de Kennedy, cinéaste à succès, parolier pour des stars, et patron d’une grande radio. Cet homme, c’est Philippe Labro, une figure dont le parcours semble tout droit sorti d’un roman d’aventures. À 88 ans, cet humaniste aux multiples talents nous a quittés, laissant derrière lui une œuvre riche et des souvenirs impérissables. Plongeons dans l’histoire d’un homme qui a su capter l’âme d’une époque.
Un Parcours Hors du Commun
Né à Montauban sous l’Occupation, Philippe Labro grandit dans un contexte où courage et discrétion sont de mise. Ses parents, en cachant des Juifs pendant la guerre, lui transmettent des valeurs humanistes qui marqueront toute sa vie. Dès son adolescence, il rêve d’ailleurs, d’un monde plus vaste que sa ville natale. Cette soif d’exploration le mènera loin, bien au-delà des frontières du Tarn-et-Garonne.
Son départ pour la Virginie, où il étudie dans les années 1950, est une première étape décisive. Là-bas, il découvre une Amérique vibrante, celle des campus bouillonnants et d’une culture en pleine mutation. Cette expérience forge son regard de journaliste, aiguisé et curieux, prêt à décrypter le monde avec une plume acérée.
Journaliste : Témoin d’un Siècle
Le journalisme est le fil rouge de la carrière de Labro. À peine rentré en France, il se fait un nom à Paris, où sa plume vive et son style percutant séduisent. En 1963, il se trouve à Dallas, au cœur d’un événement qui secoue le monde : l’assassinat de John F. Kennedy. Ce moment, qu’il décrira avec une précision saisissante, marque un tournant. Être au bon endroit au bon moment, c’est la marque des grands reporters.
« J’ai vu l’Histoire se dérouler sous mes yeux, et j’ai compris que mon rôle était de la raconter. »
Philippe Labro, extrait d’un entretien
Ses récits ne se contentent pas de relater les faits. Ils capturent l’émotion, l’atmosphère, les détails qui font vivre une époque. De ses reportages aux États-Unis à ses chroniques européennes, Labro excelle à rendre l’Histoire palpable, presque cinématographique.
Cinéaste : L’Art de Raconter des Histoires
Le cinéma, autre passion de Labro, devient une extension naturelle de son talent de conteur. Dans les années 1960, il se lance dans la réalisation, avec un flair pour repérer les talents. C’est lui qui offre à Fabrice Luchini son premier rôle en 1969, un pari audacieux pour l’époque. Ses films, souvent ancrés dans des récits humains, reflètent sa fascination pour les destins croisés et les émotions brutes.
Quelques films marquants de Philippe Labro :
- Sans mobile apparent (1971) : Un polar nerveux inspiré de l’Amérique.
- L’Héritier (1973) : Une plongée dans les intrigues familiales.
- Le Hasard et la Violence (1974) : Une réflexion sur le destin.
Chaque film est une fenêtre sur son univers, où se mêlent suspense, introspection et une touche d’élégance. Labro ne se contente pas de filmer : il raconte, avec la même intensité qu’il met dans ses articles ou ses livres.
Écrivain : La Plume d’un Humaniste
Si le journalisme et le cinéma ont fait sa renommée, c’est peut-être dans l’écriture romanesque que Labro s’exprime le plus librement. Son ouvrage J’irai nager dans plus de rivières est une ode à la vie, un recueil de souvenirs où il évoque avec une mélancolie joyeuse les rencontres qui l’ont façonné. De l’abbé Pierre à Simon Leys, en passant par des figures comme Johnny Hallyday, il dresse le portrait d’un monde en perpétuelle évolution.
Ses romans, souvent inspirés de ses expériences, explorent des thèmes universels : l’amour, la perte, la quête de sens. Dans Des feux mal éteints, il raconte sa jeunesse sous les drapeaux, tandis que ses Écrits américains capturent son amour pour les États-Unis, un pays qui l’a toujours fasciné.
« La nostalgie n’a rien de triste, c’est le souvenir de ce qui fut et ne reviendra pas. »
Philippe Labro, à propos de son œuvre
Un Homme de Rencontres
Ce qui frappe dans le parcours de Labro, c’est sa capacité à tisser des liens avec des figures d’horizons divers. Il croise des intellectuels, des artistes, des anonymes, et chacun laisse une trace dans son œuvre. Sa curiosité insatiable et son empathie en font un témoin privilégié de son temps.
Rencontre | Impact |
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L’abbé Pierre | Inspiration pour son humanisme. |
Fabrice Luchini | Découverte d’un talent brut pour le cinéma. |
Johnny Hallyday | Collaboration sur des chansons marquantes. |
Ces rencontres ne sont pas de simples anecdotes : elles sont le reflet d’une vie vécue intensément, où chaque échange enrichit une vision du monde déjà foisonnante.
Les Défis d’une Vie Intense
Le parcours de Labro n’a pas été sans épreuves. Une pneumopathie grave, suivie d’un coma, a failli lui coûter la vie. Cet épisode, qu’il raconte avec une sincérité désarmante, révèle une autre facette de l’homme : sa résilience. Face à la maladie, il puise dans ses souvenirs et son amour de la vie pour surmonter l’épreuve.
Cette expérience marque un tournant dans son écriture, qui devient plus introspective. Ses livres postérieurs, empreints de réflexions sur le temps qui passe, touchent un public fidèle, sensible à cette authenticité.
Un Héritage Culturel Durable
Philippe Labro laisse derrière lui une œuvre protéiforme, mêlant journalisme, cinéma et littérature. Son style, à la fois précis et poétique, continue d’inspirer. Ses récits sur l’Amérique, en particulier, offrent une perspective unique sur un pays qui fascine autant qu’il interroge.
Pourquoi lire Philippe Labro aujourd’hui ?
- Pour son regard unique sur l’Histoire.
- Pour sa capacité à rendre les émotions universelles.
- Pour découvrir une plume qui traverse les genres.
Son décès en 2025 marque la fin d’une époque, mais son héritage perdure. À travers ses livres, ses films et ses chansons, Labro reste un passeur d’histoires, un homme qui a su capter l’essence d’un siècle.
En refermant J’irai nager dans plus de rivières, on ressent une envie irrésistible de vivre pleinement, de chercher l’aventure et d’embrasser chaque rencontre comme une chance. Philippe Labro, par son œuvre, nous rappelle que la vie est un roman dont nous sommes tous les auteurs.