Un sentiment de peur et de chaos s’est emparé de Maputo, la capitale du Mozambique, plongée dans une crise sans précédent. Depuis plusieurs jours, la ville est paralysée par des barricades, pillages et actes de vandalisme, déclenchés par la confirmation très contestée de la victoire du parti au pouvoir, le Frelimo, aux élections d’octobre dernier.
Dans les rues désertes de la capitale, les habitants commencent à cruellement manquer de tout : nourriture, essence, médicaments… Les étals des marchés restent désespérément vides et les files d’attente s’allongent devant les rares stations-service encore approvisionnées. « Je cherche du pain mais toutes les boulangeries sont fermées depuis quatre jours », se désole Isabel, 29 ans, drapée dans son capulana traditionnel.
Une spectaculaire évasion de prison sème la terreur
Pour ne rien arranger, une spectaculaire évasion survenue mercredi dans une prison de haute sécurité à Maputo a mis le feu aux poudres. Plus d’un millier de détenus se sont échappés, alimentant les rumeurs les plus folles. De nombreux habitants ont été réveillés en pleine nuit par des cris ou des bruits suspects.
« Mon voisin est venu tambouriner à ma porte vers 3h du matin en hurlant que des hommes armés de machettes rodaient dans le quartier », raconte Maria Amelia, 55 ans. « Quand je suis sortie, j’ai vu que tous les habitants avaient sorti leurs couteaux, prêts à se défendre. Mais il n’y avait personne… J’étais terrifiée ! »
Des patrouilles de quartier s’organisent
Face à la psychose, des patrouilles de quartier se sont spontanément mises en place, mobilisant des hommes armés de bâtons et de machettes pour veiller toute la nuit. « On a patrouillé jusqu’à l’aube pour se protéger d’une menace dont tout le monde parle mais que personne n’a vue », soupire une riveraine. Pour l’instant, aucune attaque avérée n’a été rapportée mais l’angoisse est palpable.
« Je ne sais plus où va le pays… C’est affolant ! »
– Armand Tembe, 40 ans, habitant de Maputo
L’ombre d’une manipulation politique
Certains y voient la main du gouvernement, qui chercherait ainsi à mater la contestation. « Le sentiment qui prévaut, c’est que le pouvoir pourrait avoir inventé cette crise sécuritaire de toutes pièces pour mieux contrôler l’agitation sociale », analyse Borges Nhamirre, chercheur mozambicain. Le principal chef de l’opposition, Venancio Mondlane, crie lui aussi à la manipulation, estimant que ces rumeurs et patrouilles ne sont là que pour « distraire » des résultats électoraux « truqués ».
Le spectre d’un embrasement
Car c’est bien la victoire sans appel du Frelimo, le parti historique à la tête du Mozambique depuis l’indépendance, qui a mis le feu aux poudres. Validée lundi par la Cour constitutionnelle malgré les accusations de fraudes, elle a déclenché des émeutes urbaines d’une ampleur inédite. Bilan : plus de 125 morts en quelques jours, selon une ONG locale.
Alors que la colère ne retombe pas et que la peur s’installe durablement, le Mozambique semble au bord d’un embrasement. Un scénario catastrophe dont les autorités, retranchées dans un mutisme inquiétant, ne semblent pas prendre la mesure. Le pays retient son souffle, suspendu à l’évolution d’une crise qui pourrait dégénérer à tout moment.