Dans les rues enneigées de Harbin, au cœur du Dongbei, une région du nord-est de la Chine, un phénomène insolite se produit. Des grappes de touristes, surnommés affectueusement les « petites patates du sud », déambulent joyeusement, emmitouflés dans des tenues excentriques et colorées. Mais qui sont ces visiteurs atypiques et qu’est-ce qui les attire dans cette contrée glaciale ?
L’influence des réseaux sociaux
Le boom touristique que connaît actuellement le Heilongjiang, l’une des trois provinces du Dongbei, est en grande partie dû à la popularité grandissante de cette région sur les réseaux sociaux chinois. Des romans et séries à succès se déroulant dans cet environnement atypique ont éveillé la curiosité des habitants du sud de la Chine, habitués à des climats bien plus cléments.
Emily Liu, guide touristique à Harbin, confirme cette tendance : « Ces gens du sud, qu’on appelle ‘petites patates’, ont commencé à venir et ont transformé Harbin en destination à la mode. » Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon Jiang Zhonglong, qui travaille pour une agence de voyage locale, l’activité a explosé depuis la fin de la pandémie, avec un afflux massif de ces touristes d’un nouveau genre.
Un intérêt grandissant pour le Dongbei
Malgré sa réputation de région pauvre, le Heilongjiang voit son attractivité grimper en flèche. Les recettes des secteurs culturels et de divertissement ont bondi de 60% sur les cinq premiers mois de l’année par rapport à l’an passé. Les dépenses touristiques ont atteint 154 milliards de yuans au premier semestre 2023, soit une hausse de 171% en un an.
Chen Xiting, une employée cantonaise du commerce en ligne, a elle aussi succombé à cet engouement après avoir découvert la région sur Xiaohongshu, un réseau social chinois très populaire. « J’entends pas mal de gens parler cantonais, que ce soit sur les lieux touristiques ou dans la rue », s’amuse-t-elle, engoncée dans ses épais vêtements.
Une source de fierté pour les locaux
Loin de se formaliser de ce surnom de « petites patates », les habitants du Dongbei voient d’un très bon œil cet intérêt soudain pour leur région. « Ma ville natale est devenue d’un coup très populaire, je suis extrêmement fière », se réjouit Zhangzhang, gérante d’un magasin vendant des produits russes, témoignant d’une fréquentation qui a triplé en un an.
Avec ses hivers rigoureux, où les températures peuvent chuter jusqu’à -30°C, le Dongbei offre un dépaysement total aux visiteurs du sud. M. Ling, venu avec sa femme depuis le Zhejiang, reconnaît qu’il était auparavant influencé par certains clichés négatifs, mais que ce voyage lui a ouvert les yeux. « Je réalise que tout est plutôt correct ici. Je cherchais une expérience culturelle originale et je ne suis pas déçu ! »
Tandis que les « petites patates du sud » s’émerveillent devant les paysages enneigés et s’initient aux spécialités locales, les commerçants et professionnels du tourisme se frottent les mains. Avec des chiffres records et des perspectives très encourageantes, le Dongbei semble avoir trouvé, grâce aux réseaux sociaux, une recette imparable pour doper son attractivité et redynamiser son économie. Une success story surprenante, à l’image de ces visiteurs frigorifiés mais enchantés.