La nomination de Peter Mandelson, vétéran travailliste de 71 ans, au poste d’ambassadeur britannique aux États-Unis ne manque pas de faire parler outre-Manche. Alors que le Royaume-Uni cherche à redéfinir sa place sur l’échiquier mondial après le Brexit, préserver la fameuse « relation spéciale » avec Washington s’annonce comme un défi de taille, surtout avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump et ses positions imprévisibles en matière de commerce international et de géopolitique.
Mais le Premier ministre britannique Keir Starmer semble vouloir jouer la carte de l’expérience avec cette nomination surprise. Car Peter Mandelson n’est pas un diplomate de carrière mais un poids lourd de la politique britannique, qui a occupé plusieurs postes ministériels clés et a même été commissaire européen au Commerce de 2004 à 2008.
Un « Prince des ténèbres » rompu aux arcanes du pouvoir
Surnommé le « Prince des ténèbres » pour son influence en coulisses, Peter Mandelson a été l’un des architectes du recentrage du Parti travailliste dans les années 90 avec Tony Blair. Son parcours n’a pas été sans embûches, avec deux démissions fracassantes du gouvernement, mais il a su rebondir à chaque fois, preuve de son habilité politique.
Europeen convaincu, il avait fait campagne contre le Brexit en 2016. Mais depuis, il plaide pour une redéfinition pragmatique des liens avec l’UE et les États-Unis, quitte à s’attirer les critiques de certains pro-européens.
Trouver le « meilleur des deux mondes »
Sa mission s’annonce délicate face à une administration Trump qui a déjà averti que le Royaume-Uni devrait choisir entre les modèles économiques européen et américain. Mais Peter Mandelson, habitué à louvoyer, estime qu’il faut « trouver notre chemin » et « obtenir le meilleur des deux mondes », comme il l’a confié au Times.
Il est absolument essentiel que nous établissions une relation avec le président Trump qui nous permette non seulement de comprendre et d’interpréter ce qu’il fait, mais aussi de l’influencer.
Peter Mandelson dans le podcast NewsAgents
Celui qui avait qualifié Donald Trump de « tyran » en 2018 devra donc jouer les équilibristes. Mais nul doute que ce vieux briscard de la politique saura utiliser tout son réseau et son sens de la négociation pour tenter de préserver les intérêts britanniques, en cultivant de bonnes relations avec la Maison Blanche sans pour autant se couper de l’Europe.
Une nomination qui en dit long sur les priorités de Londres
En choisissant un poids lourd politique plutôt qu’un diplomate pour ce poste crucial, le gouvernement britannique envoie un message clair. La relation avec les États-Unis est une priorité stratégique qui nécessite d’envoyer l’artillerie lourde, quitte à bousculer les conventions.
Reste à savoir si l’expérience et le réseau de Peter Mandelson suffiront à surmonter les nombreux défis qui l’attendent à Washington. Entre les menaces de nouveaux droits de douane brandis par Donald Trump, les interrogations sur la position britannique dans le conflit ukrainien et les incertitudes liées au Brexit, la partie s’annonce serrée.
Mais une chose est sûre : la nomination de ce vétéran travailliste à un poste aussi exposé montre que malgré le Brexit, la diplomatie britannique n’a pas dit son dernier mot et compte bien peser de tout son poids sur la scène internationale. Même si pour cela, il faut parfois sortir des sentiers battus et miser sur des profils atypiques comme celui de Peter Mandelson, ce « Prince des ténèbres » qui rêve désormais d’être le prince charmant du Royaume-Uni auprès de Donald Trump.
