Le débat sur les pesticides en France prend une nouvelle dimension alors que la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, plaide pour une harmonisation européenne des autorisations. Lors d’une visite dans une exploitation d’endives du Nord, elle a affirmé sans détour : “Ce qui est autorisé en Europe devrait l’être également en France”. Un sujet complexe, au cœur d’enjeux sanitaires, économiques et agricoles.
La France, plus stricte que ses voisins européens ?
La position de la ministre Genevard remet en question la politique française en matière de pesticides, souvent considérée comme plus stricte que celle de nombreux pays voisins. Elle s’interroge sur les raisons de ces “surtranspositions” françaises, soulignant que les 26 autres États membres de l’UE n’accordent pas des autorisations “au mépris de la santé de leur population”.
Ce questionnement fait écho aux propos du Premier ministre Michel Barnier devant le Sénat, qui a pointé du doigt les “concurrences déloyales” créées par certaines surtranspositions “non justifiées”. Le gouvernement s’engage ainsi à examiner chacune d’entre elles, en concertation avec les deux chambres du Parlement.
L’acétamipride, un exemple emblématique
Au cœur des revendications des producteurs agricoles : le retour de l’acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes. Interdit en France en raison de sa nocivité pour les pollinisateurs, il reste autorisé dans d’autres pays européens comme l’Allemagne. Une situation vécue comme une injustice par de nombreux agriculteurs français.
Interrogé sur une éventuelle réautorisation de cette substance, le gouvernement reste prudent, indiquant que “le sujet pesticides est en cours d’arbitrage”. Une réponse qui ne satisfait pas pleinement les syndicats agricoles, dont la FNSEA-JA et la Coordination rurale, qui réclament des solutions concrètes et rapides.
Concilier réduction des pesticides et viabilité des exploitations
Si la ministre de l’Agriculture reconnaît la nécessité de réduire l’usage des produits phytosanitaires, elle insiste sur l’importance de trouver des alternatives viables pour les exploitants. Une “difficulté” qui, selon elle, n’est “pas assez traitée” actuellement.
Dans cette optique, le gouvernement a signé une subvention d’un million d’euros sur cinq ans à l’Association des producteurs d’endives de France, destinée à la recherche de solutions alternatives aux pesticides. Une mesure saluée, mais jugée insuffisante par certains syndicats agricoles, qui attendent “l’ensemble” de leurs revendications pour pouvoir “vivre de [leur] métier sereinement et envisager l’avenir”.
Un débat qui ne fait que commencer
La question de l’harmonisation européenne des autorisations de pesticides promet d’animer les débats dans les prochains mois. Entre impératifs sanitaires, enjeux économiques et préoccupations environnementales, trouver un juste équilibre s’annonce délicat.
D’un côté, les défenseurs d’une agriculture plus écologique pointent les dangers des pesticides pour la biodiversité et la santé humaine, appelant à une réduction drastique de leur usage. De l’autre, les représentants du monde agricole soulignent la nécessité de disposer d’outils efficaces pour protéger leurs cultures et assurer la pérennité de leurs exploitations dans un contexte de concurrence internationale.
Face à ces positions souvent antagonistes, le gouvernement devra faire preuve de pédagogie et d’écoute pour construire un consensus. Un chantier d’envergure, qui ne manquera pas de susciter de vifs échanges dans l’hémicycle et au sein de la société civile.
Quoi qu’il en soit, le débat est lancé et promet d’être passionnant. Entre volonté d’harmonisation européenne, impératifs sanitaires et défense des intérêts agricoles, la France devra trouver sa voie sur cet épineux dossier des pesticides. Reste à savoir quelle direction elle choisira, et quelles en seront les conséquences pour son modèle agricole et son environnement.