C’est un véritable séisme qui secoue actuellement la scène politique roumaine. Au lendemain de l’annulation surprise du second tour de la présidentielle par la Cour constitutionnelle, les autorités ont lancé samedi matin une série de perquisitions dans le cadre d’une enquête visant notamment le sulfureux candidat d’extrême droite Calin Georgescu, qui était donné grand favori.
D’après une source proche du dossier, trois domiciles sont visés à Brasov, dans le centre du pays, pour des soupçons de « corruption d’électeurs, blanchiment d’argent, falsification informatique » ainsi que des violations de la loi sur l’interdiction des organisations et symboles à caractère fasciste, raciste ou xénophobe. Les investigations se concentrent en particulier sur une personne qui serait impliquée dans le financement illégal de la campagne de Calin Georgescu.
Une affaire de financement occulte et d’ingérence russe
Tout a commencé cette semaine quand les services de renseignement ont transmis à la justice des éléments mettant en cause le rôle du réseau social TikTok dans la campagne, avec la Russie dans le viseur. Selon des documents déclassifiés, un mystérieux compte baptisé Bogdan Peshir aurait versé plus de 380 000 dollars à des internautes faisant la promotion du candidat nationaliste entre fin octobre et fin novembre.
Ces révélations ont conduit vendredi la Cour constitutionnelle à prononcer l’annulation pure et simple du scrutin, une décision sans précédent, afin de « s’assurer de sa validité et de sa légalité ». L’institution évoque de « multiples irrégularités et violations » ayant « faussé la nature du vote et l’égalité des chances des candidats ».
Calin Georgescu, un candidat venu de nulle part
Jusqu’à ce coup de théâtre, celui que certains surnomment le « Trump roumain » semblait avoir le champ libre après sa victoire-surprise au premier tour le 24 novembre face aux poids lourds des partis traditionnels. Âgé de 62 ans, cet ancien haut fonctionnaire relativement inconnu du grand public a construit sa fulgurante ascension sur un discours populiste, eurosceptique et proche du Kremlin.
Pourfendant l’OTAN et l’UE, il est allé jusqu’à réclamer vendredi « l’arrêt total de l’aide militaire à l’Ukraine ». Calin Georgescu jouit également des faveurs d’une frange conservatrice de l’Église orthodoxe et de médias complotistes. Dénonçant un « coup d’État » après l’invalidation du scrutin, il devait affronter dimanche au second tour la centriste pro-européenne Elena Lasconi, qui gagnait du terrain dans les sondages.
La Roumanie dans la tourmente à la veille des législatives
Ce coup de tonnerre intervient à la veille d’élections législatives cruciales dans ce pays de 19 millions d’habitants, membre de l’UE et de l’Otan, où les prorusses sont en embuscade. Le président sortant Klaus Iohannis, qui a salué la décision de la Cour constitutionnelle, restera en fonctions jusqu’à l’élection de son successeur à une date qui reste à fixer.
« C’est une situation totalement inédite qui plonge la Roumanie dans une crise politique majeure », estime un analyste contacté par notre rédaction. L’instabilité risque de durer, d’autant que la formation d’un nouveau gouvernement s’annonce compliquée au vu des derniers sondages donnant les prorusses au coude-à-coude avec les sociaux-démocrates.
Si un nouveau scrutin présidentiel devait avoir lieu, rien ne dit que Calin Georgescu pourrait se représenter au vu des graves accusations qui pèsent sur lui. Mais nul doute que ses partisans, galvanisés par son score du premier tour, tenteront de surfer sur cette nouvelle donne pour faire vaciller un peu plus le paysage politique roumain. Les prochains jours s’annoncent décisifs pour l’avenir du pays.