Un terrible drame secoue actuellement l’Italie. Filippo Turetta, un étudiant de 22 ans, est accusé d’avoir sauvagement poignardé à mort son ex-petite amie Giulia Cecchettin, également âgée de 22 ans, en novembre dernier. Ce féminicide brutal, qui a suscité une vague d’indignation et de manifestations dans tout le pays, jette une lumière crue sur les violences faites aux femmes dans la péninsule. Ce mardi, un tribunal italien s’apprête à rendre son verdict dans ce procès très médiatisé. Le parquet a requis la réclusion à perpétuité contre l’accusé.
Un crime d’une rare violence
Selon les éléments de l’enquête, Giulia Cecchettin, étudiante brillante en génie biomédical à Padoue, aurait reçu pas moins de 75 coups de couteau. Son corps sans vie a été retrouvé une semaine après sa disparition, abandonné dans un ravin près du lac Barcis, au nord de Venise. Filippo Turetta a rapidement été identifié comme le principal suspect. Il a été arrêté le lendemain en Allemagne, près de Leipzig, alors qu’il tentait de fuir.
Lors de l’ouverture de son procès en septembre dernier, le jeune homme a reconnu les faits. Son avocat, Maître Giovanni Caruso, conteste cependant la préméditation et juge excessive la demande de réclusion à perpétuité requise par le parquet. Il met en garde contre un « procès médiatique » et souligne l’absence de circonstances aggravantes.
La famille de la victime sous le choc
Du côté de la famille de Giulia, c’est l’incompréhension et le désespoir qui dominent. Son père, Gino Cecchettin, s’est confié avec émotion :
« Je suis déjà mort intérieurement. Pour moi, rien ne changera. Je ne reverrai plus jamais Giulia. La seule chose que je peux faire, c’est œuvrer pour qu’il y ait le moins de cas possibles comme celui de ma fille, qu’il y ait moins de parents devant pleurer leur enfant décédé. »
Lors des funérailles de Giulia, qui ont rassemblé des milliers de personnes, il avait déjà imploré les hommes de « remettre en question la culture qui tend à minimiser la violence de la part d’hommes qui semblent normaux ».
Coup de projecteur sur les féminicides
Ce drame a relancé le débat sur les violences faites aux femmes en Italie. Dans un pays où la culture de la drague côtoie souvent des comportements machistes et sexistes, les féminicides restent un fléau. Selon les chiffres du ministère italien de l’Intérieur, sur les 276 homicides recensés cette année, 100 victimes étaient des femmes. Parmi elles, 88 ont été tuées par un proche, principalement un partenaire ou un ex-compagnon.
Des statistiques malheureusement stables par rapport aux années précédentes, malgré une prise de conscience croissante de la société. Face à cette situation alarmante, la sœur de Giulia, Elena, appelle à une véritable révolution culturelle. Sur les réseaux sociaux et lors des manifestations qui ont suivi le drame, son message « Tutto bruciare » (« Tout brûler ») est devenu un cri de ralliement, souvent accompagné du slogan : « Le patriarcat tue ».
Une fondation pour lutter contre les violences
Dans ce contexte, la famille Cecchettin a décidé de créer une fondation en mémoire de Giulia. Son objectif : développer des actions de sensibilisation, apporter un soutien aux femmes victimes de violences et promouvoir l’égalité et le respect entre les genres. Des milliers de personnes ont déjà défilé dans plusieurs villes italiennes fin novembre, lors de la journée internationale contre les violences faites aux femmes, en portant le nom de Giulia en étendard.
Un gouvernement critiqué pour son inaction
Certains militants féministes pointent aussi du doigt la responsabilité du gouvernement ultra-conservateur de Giorgia Meloni. Ils dénoncent l’absence de politiques concrètes comme l’introduction de l’éducation sexuelle à l’école. Des critiques renforcées après les propos polémiques du ministre de l’Éducation Giuseppe Valditara en novembre. Ce dernier avait en effet déclaré que « le patriarcat n’existait plus » dans la loi italienne et avait imputé les violences aux femmes à l’immigration clandestine.
Des affirmations qui ont fait bondir Elena Cecchettin, rappelant que sa sœur avait été assassinée par « un jeune Italien blanc ». La Première ministre Giorgia Meloni, première femme à ce poste, a tenté de calmer le jeu en affirmant que la législation ne manquait pas, mais que le défi restait avant tout culturel. Elle a cependant aussi établi un lien avec l’immigration illégale, à rebours des chiffres officiels montrant que 94% des féminicides en 2022 avaient été perpétrés par des Italiens.
Dans ce contexte tendu, le verdict très attendu du procès de Filippo Turetta devrait marquer les esprits. Au-delà de l’émotion suscitée par ce drame, nombreux sont ceux qui espèrent qu’il contribuera à faire évoluer les mentalités et à renforcer la lutte contre les violences faites aux femmes dans la péninsule.