C’est un revers judiciaire pour l’État de New York. Le juge Emilio Colaiavoco de la Cour suprême de l’État a débouté jeudi la procureure générale Letitia James dans son procès intenté fin 2023 contre PepsiCo. Elle accusait le géant américain des sodas de mettre en danger l’environnement et la santé publique par la pollution plastique d’une rivière de l’État.
Pour le magistrat, qui siège à Buffalo, les accusations de la plaignante sont « spéculatives » en l’absence de loi ou de réglementation imposant une théorie de responsabilité ou des restrictions sur le type et la quantité de plastique pouvant être utilisés. Il dénonce un procès relevant de « l’idéalisme politique ».
PepsiCo soulagé mais se dit engagé dans le recyclage
Sans surprise, PepsiCo, dont le siège est basé dans l’État de New York, s’est dit « ravi » de cette décision. Le groupe estime que le temps et les ressources des différentes parties prenantes « sont mieux employés en étant dirigés vers des solutions collaboratives ». Il affirme prendre « avec sérieux » la réduction du plastique et le recyclage effectif.
Bien que je ne puisse envisager qu’une personne raisonnable ne croit pas en la nécessité de recycler et de protéger l’environnement, cela n’ouvre pas la porte à des assertions imaginaires de responsabilités qui ne règlent en rien le problème existant.
Juge Emilio Colaiavoco
Des poursuites inédites mais mal ficelées juridiquement
La procureure de l’État de New York avait lancé ces poursuites qualifiées d’« historiques et avant-gardistes » en s’appuyant sur des récoltes de déchets effectuées en 2022 le long de la rivière Buffalo. Elle reprochait à PepsiCo de nuire à la population, de ne pas prévenir des dangers du plastique à usage unique et d’avoir induit le public en erreur sur le recyclage et la lutte contre la pollution plastique.
Letitia James réclamait entre autres que PepsiCo mette fin à ces pratiques, nettoie les zones polluées et verse diverses compensations et sanctions financières pour les dommages causés. Mais pour le juge, faute de base légale, « le système judiciaire ne devrait pas être encombré de procès prédateurs ayant pour objectif d’imposer des sanctions tout en cherchant une quelconque infraction ».
Un camouflet pour les défenseurs de l’environnement
Ce rejet du procès intenté par l’État de New York est un coup dur pour les militants écologistes qui espéraient faire jurisprudence et contraindre légalement les grandes entreprises à réduire leur empreinte plastique. Les géants de l’agroalimentaire et des boissons comme PepsiCo figurent parmi les plus gros producteurs d’emballages et de déchets plastiques.
Malgré de nombreuses promesses et engagements de réduction du plastique ces dernières années, les progrès des multinationales restent très insuffisants selon les ONG. La pollution plastique des océans, rivières et terres ne cesse de s’aggraver avec des conséquences désastreuses sur les écosystèmes et la santé.
Ce jugement montre les limites du droit actuel pour combattre efficacement la crise du plastique. Il est urgent que les États adoptent des lois contraignantes pour obliger les entreprises à réduire drastiquement leur utilisation de plastique et à investir massivement dans des alternatives durables et dans le recyclage.
Une porte-parole de l’ONG Oceana
Vers un traité mondial sur le plastique
Faute de pouvoir attaquer en justice les pollueurs sur la base des législations existantes, les défenseurs de l’environnement fondent désormais beaucoup d’espoir dans la négociation en cours d’un traité international juridiquement contraignant sur le plastique.
Lancé en 2022 sous l’égide de l’ONU, ce futur accord mondial vise à mettre fin à la pollution plastique d’ici 2040 en agissant sur l’ensemble du cycle de vie du plastique, de la production à la consommation en passant par la gestion des déchets. Les discussions complexes entre États doivent aboutir d’ici fin 2024. Mais le chemin s’annonce encore long avant une entrée en vigueur et de possibles sanctions pour les contrevenants.
En attendant un cadre international plus strict, la pression monte sur les multinationales pour qu’elles accélèrent leur transition vers un modèle moins dépendant du plastique jetable. Outre les critiques croissantes des consommateurs et ONG, certains grands investisseurs commencent aussi à questionner la durabilité à long terme des entreprises fortement exposées aux risques réglementaires et réputationnels liés à la pollution plastique.
Le procès perdu contre PepsiCo ne découragera probablement pas d’autres actions en justice à l’avenir. Mais il montre que pour l’heure, en l’absence de lois ad hoc, la voie judiciaire a peu de chances d’aboutir pour combattre les géants du plastique. La solution passera davantage par un renforcement des législations aux niveaux national et international pour responsabiliser enfin les entreprises.