C’est une sonnette d’alarme que tirent les pêcheurs de homards en Normandie. Depuis quatre ans, les quantités de ce crustacé star pêchées en Manche Ouest sont anormalement basses. Les captures 2023 accusent une chute de 50% par rapport à la normale, avec seulement 74 tonnes débarquées contre 160 tonnes habituellement. Un triste record qui fait craindre le pire aux professionnels du secteur.
Des récoltes en chute libre depuis le pic de 2017
Tout avait pourtant bien commencé. Au début des années 2010, les captures étaient stables autour de 160 tonnes annuelles en Manche Ouest. Puis elles ont grimpé jusqu’à atteindre un pic en 2017 avec près de 184 tonnes de homards pêchés. « Il y a une petite dizaine d’années, on a tous battu des records », se souvient William, pêcheur de crustacés à Granville.
Mais depuis, c’est la dégringolade. Les récoltes ont chuté de 60% pour atteindre ce plancher historique de 74 tonnes l’an dernier. Du jamais vu. Les pêcheurs, qui avaient investi dans du matériel suite aux années fastes, se retrouvent aujourd’hui avec des bateaux et des équipements surdimensionnés. Et les pertes financières s’accumulent.
Plusieurs causes évoquées
Comment expliquer cette raréfaction des homards ? Plusieurs phénomènes sont pointés du doigt. La prolifération d’araignées de mer, qui entrent en concurrence avec les homards pour la nourriture, est citée pour la baisse de 2023. Les nombreux épisodes de vent et de houle sur le Cotentin auraient aussi incité les crustacés à se cacher au fond, les rendant plus difficiles à piéger.
Mais la cause la plus inquiétante reste le réchauffement des eaux, observé aussi bien en Manche qu’outre-Atlantique. Les homards cherchent en effet des eaux fraîches entre 15 et 16°C, riches en nutriments. Avec la hausse des températures, ils migrent vers le nord et les profondeurs. Un phénomène déjà constaté aux États-Unis, où les captures se déplacent du Maine vers le Canada.
Le processus de reproduction menacé
Plus grave encore, le réchauffement perturbe la reproduction même des homards. Lorsque l’eau est froide en hiver, ils se concentrent sur la production de spermatozoïdes et d’œufs. Mais quand elle se réchauffe, ils privilégient leur croissance. « Les homards produiront moins de gamètes. Et s’il fait trop chaud de façon continue, ils cesseront tout simplement d’en produire », s’alarme Diane Cowan, spécialiste des homards.
Pas d’œufs, pas de spermatozoïdes, pas de homards
– Diane Cowan, The Lobster Conservancy
Une tendance malheureusement amenée à s’accentuer dans les années à venir. Les experts projettent en effet une poursuite du réchauffement des océans, avec des conséquences dramatiques sur la faune marine. La pêche aux homards, fleuron économique normand, pourrait en faire les frais.
Face à cette situation préoccupante, les pêcheurs tentent de s’adapter. Certains explorent de nouvelles zones de pêche, comme le Pas-de-Calais où les homards commencent tout juste à proliférer avec le réchauffement. D’autres misent sur la recherche avec la création récente d’une écloserie de homards à Cherbourg. Mais le constat est là : sans action contre le changement climatique, l’avenir de la filière homard s’annonce bien sombre.