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Pékin Célèbre 80 Ans de Victoire : Mythes et Réalités

À Pékin, le 80e anniversaire de la victoire de 1945 met les communistes à l’honneur. Mais quelle est la véritable histoire de cette guerre ? Un récit captivant à découvrir...

Quatre-vingts ans après la fin de la guerre sino-japonaise, une cicatrice sur le tibia d’un ancien combattant raconte une histoire de bravoure, de sacrifice et de mémoire disputée. À Pékin, les célébrations du 3 septembre 2025 marquent l’anniversaire de la victoire de 1945 contre le Japon, un moment clé glorifié par le pouvoir chinois. Mais derrière les défilés militaires et les récits officiels, une question persiste : qui a véritablement porté le poids de cette victoire ? Alors que le Parti communiste chinois (PCC) met en avant le rôle de ses combattants, des historiens rappellent que l’histoire est plus nuancée, mêlant héros communistes et nationalistes dans un conflit aux cicatrices encore visibles.

Une Mémoire Sélective au Cœur des Célébrations

Chaque année, la Chine commémore la victoire de 1945 avec faste, et 2025 ne fait pas exception. Un grand défilé militaire est prévu dans les rues de Pékin, où chars, soldats et drapeaux rouges célébreront la résistance chinoise face à l’invasion japonaise. Mais ce spectacle grandiose s’accompagne d’un récit officiel qui met en avant le rôle central des forces communistes, souvent au détriment d’autres acteurs clés de l’époque. Ce narratif, soigneusement entretenu, s’appuie sur des témoignages poignants, comme celui d’un vétéran de 98 ans, blessé à l’âge de 17 ans, qui incarne le sacrifice des combattants de Mao Zedong.

Pourtant, ce récit omet une part essentielle de l’histoire. Selon de nombreux historiens, la victoire contre le Japon repose principalement sur les épaules de l’armée nationaliste, dirigée par Tchang Kaï-chek. Cette force, bien plus structurée à l’époque, a mené les batailles les plus décisives. Alors, pourquoi ce pan de l’histoire est-il si souvent éclipsé ? La réponse réside dans la politique et la mémoire collective, où le PCC cherche à consolider son rôle de libérateur national.

Les Héros Oubliés de la Guerre Sino-Japonaise

Pour comprendre l’ampleur du conflit, il faut remonter à 1937, lorsque le Japon lance une invasion massive de la Chine. À cette époque, le pays est déchiré par une guerre civile entre les communistes de Mao Zedong et les nationalistes de Tchang Kaï-chek. Face à la menace japonaise, les deux camps forment une alliance fragile, connue sous le nom de Front uni. Les communistes, principalement actifs dans les zones rurales du nord, mènent des actions de guérilla, harcelant les forces japonaises avec des tactiques audacieuses mais limitées en envergure.

« Le pays était en danger, tous les Chinois dotés d’une conscience se devaient de résister », se souvient un vétéran de la Huitième armée de route, une unité communiste intégrée aux forces nationalistes.

Ces actions, bien que courageuses, contrastent avec l’effort militaire des nationalistes, qui affrontent les Japonais dans des batailles de grande échelle, comme à Shanghai ou Wuhan. Pourtant, après la victoire de 1945, la guerre civile reprend de plus belle, et les nationalistes, vaincus en 1949, se réfugient à Taïwan. Depuis, le PCC a réécrit l’histoire pour minimiser leur contribution, transformant les combattants communistes en héros nationaux.

Témoignages Vivants : La Voix des Vétérans

Les récits des anciens combattants, comme celui d’un vétéran de 96 ans originaire du Hebei, apportent une dimension humaine à cette histoire complexe. Dans sa ville, envahie par les Japonais en 1937, les nationalistes se sont retirés, laissant les communistes organiser la résistance locale. « La vie était extrêmement difficile », confie-t-il, décrivant la destruction de sa maison et la mort de son oncle, victime des forces japonaises. Ces souvenirs, chargés d’émotion, alimentent le narratif communiste, qui insiste sur le rôle des guérillas rurales dans la victoire.

Un autre vétéran, âgé de 98 ans, montre avec fierté la cicatrice d’une blessure par balle reçue en 1944. Malgré la douleur, il est retourné au front, vêtu de l’uniforme vert orné d’une étoile rouge, symbole de la lutte communiste. Ces témoignages, souvent relayés lors d’événements officiels, incarnent le sacrifice des « gamins » qui ont combattu pour leur pays. Mais ils occultent aussi une réalité : les nationalistes, bien que moins glorifiés, ont payé un tribut tout aussi lourd.

Les récits des vétérans, bien que poignants, ne racontent qu’une partie de l’histoire. La vérité historique est souvent plus complexe que les célébrations officielles ne le laissent entendre.

Une Reconnaissance Tardive des Nationalistes

Depuis quelques décennies, la contribution des non-communistes commence à être reconnue, bien que timidement. Dans la province du Hunan, un musée met en lumière l’implication des Tigres volants, une escadrille américaine qui a combattu les bombardiers japonais au début des années 1940. À Changsha, un monument rend hommage aux soldats nationalistes tombés au combat. Pourtant, même ces gestes de mémoire restent marqués par la censure. Sur ce monument, le nom d’un général nationaliste, devenu représentant de Taïwan en Corée du Sud, a été effacé pour des raisons politiques.

Cette réécriture de l’histoire n’est pas anodine. Comme l’explique un historien spécialiste de la Chine, « les autorités cherchent à mettre davantage en avant le rôle des communistes ». Cette volonté reflète une stratégie plus large : renforcer la légitimité du PCC en le présentant comme le principal artisan de la victoire de 1945. Pourtant, les faits historiques sont clairs : le gouvernement nationaliste de l’époque a joué un rôle central dans la résistance militaire contre le Japon.

Un Défilé aux Enjeux Politiques

Le défilé militaire du 3 septembre 2025 ne sera pas seulement une célébration de la victoire passée, mais aussi une démonstration de la puissance actuelle de la Chine. À travers cet événement, le PCC cherche à renforcer son image de gardien de la nation, tout en minimisant les contributions des autres acteurs de l’époque. Cette mise en scène s’inscrit dans un contexte plus large, où la mémoire historique est utilisée pour façonner l’identité nationale et consolider le pouvoir.

Pour les spectateurs, le défilé sera un spectacle impressionnant, avec des rangées de soldats, des équipements modernes et des discours exaltant la résistance communiste. Mais pour les historiens, il s’agit d’une occasion manquée de rendre hommage à tous les combattants, qu’ils soient communistes ou nationalistes, qui ont uni leurs forces face à l’ennemi commun.

Les Leçons d’une Histoire Disputée

La célébration des 80 ans de la victoire de 1945 soulève des questions essentielles sur la manière dont les nations construisent leur mémoire collective. En Chine, le choix de glorifier les communistes au détriment des nationalistes reflète des priorités politiques plus que des vérités historiques. Pourtant, les témoignages des vétérans, qu’ils soient communistes ou non, rappellent une réalité universelle : la guerre est avant tout une histoire de sacrifices humains.

Pour mieux comprendre cette période, voici un résumé des acteurs clés du conflit :

  • Communistes : Menés par Mao Zedong, ils se concentrent sur des actions de guérilla dans les zones rurales, harcelant les forces japonaises.
  • Nationalistes : Dirigés par Tchang Kaï-chek, ils mènent les principales batailles conventionnelles contre l’armée japonaise.
  • Tigres volants : Escadrille américaine soutenant la Chine contre les bombardiers japonais dans les années 1940.

En fin de compte, la victoire de 1945 appartient à tous ces acteurs, et non à un seul camp. En célébrant cette date, la Chine a l’opportunité de reconnaître l’ensemble des contributions, au-delà des récits officiels. Mais pour l’instant, les cicatrices des vétérans et les monuments effacés racontent une histoire bien plus complexe que celle des défilés.

Alors que Pékin se prépare à célébrer, une question demeure : la mémoire collective peut-elle un jour embrasser toute la vérité ?

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