Imaginez un pays où le nombre d’exécutions capitales atteint son plus haut niveau depuis quinze ans, alors que jamais autant d’Américains n’ont remis en question la légitimité de cette pratique. C’est la réalité des États-Unis en cette fin d’année 2025. Un contraste saisissant qui interroge profondément sur l’évolution de la justice pénale outre-Atlantique.
Un paradoxe américain en 2025
Cette année marque un tournant inattendu dans l’histoire de la peine de mort aux États-Unis. D’un côté, les chiffres grimpent de manière spectaculaire. De l’autre, l’opinion publique poursuit une érosion lente mais inexorable. Ce décalage met en lumière les tensions entre décisions politiques et volonté populaire.
Les données parlent d’elles-mêmes et révèlent une situation complexe. Comprendre ce phénomène nécessite de plonger dans les détails régionaux, les choix politiques et les évolutions sociétales qui façonnent ce paysage contrasté.
Une explosion du nombre d’exécutions
En 2025, quarante-six personnes ont déjà été exécutées sur le sol américain. Ce chiffre représente pratiquement un doublement par rapport à la moyenne des années précédentes, qui tournait autour de vingt par an depuis une décennie. Il faut remonter à 2010 pour observer un niveau équivalent.
Deux exécutions supplémentaires restent programmées avant la fin de l’année. Ce rythme soutenu place 2025 parmi les années les plus actives en matière d’application de la peine capitale depuis le début du siècle.
Cette hausse brutale interpelle. Elle rompt avec la tendance à la baisse observée depuis les années 2000, période où le nombre annuel culminait souvent autour de cent.
La Floride, moteur principal de cette augmentation
Une grande partie de cette flambée s’explique par l’activité d’un seul État : la Floride. Près de 40 % des exécutions nationales y ont eu lieu cette année. Sans cet État du sud-est, 2025 ressemblerait davantage aux années précédentes en termes de volume.
Le gouverneur républicain de l’État signe personnellement les arrêtés d’exécution. Il justifie cette accélération par la nécessité de rendre justice aux familles des victimes. Cette position ferme tranche avec la retenue observée dans d’autres juridictions.
Certaines analyses politiques y voient aussi une stratégie à plus long terme. L’intéressé, qui avait tenté sans succès d’obtenir l’investiture républicaine en 2024, pourrait envisager une nouvelle candidature en 2028.
Un soutien public au plus bas
Parallèlement, le nombre de nouvelles condamnations à mort reste extrêmement faible. Seulement vingt-deux peines capitales ont été prononcées par des jurys en 2025, un chiffre proche du plus bas historique.
Cette retenue des jurys reflète une évolution profonde de l’opinion. Le soutien à la peine de mort atteint 52 %, son niveau le plus faible en cinquante ans. De nombreux jurys peinent désormais à parvenir à l’unanimité requise pour prononcer une telle sentence.
Ce fossé entre l’action de certains responsables élus et la volonté populaire apparaît de plus en plus marqué. Des condamnés exécutés cette année l’avaient été il y a plusieurs décennies, à une époque où l’adhésion à la peine capitale était bien plus forte.
Il existe un décalage évident entre les actions d’élus dans plusieurs États et ce que veut réellement la population.
Cette observation souligne la persistance de mécanismes hérités d’un passé où la peine de mort bénéficiait d’un consensus beaucoup plus large.
Une influence fédérale indirecte
Bien que les exécutions relèvent exclusivement de la compétence des États depuis 2021, l’attitude de l’exécutif fédéral semble avoir joué un rôle. L’enthousiasme affiché par le président Trump pour la peine capitale aurait encouragé certains acteurs locaux à programmer davantage d’exécutions ou à adopter des législations plus favorables.
Cette influence indirecte montre comment le climat politique national peut impacter les décisions prises au niveau des États, même en l’absence de compétence directe.
Une concentration géographique persistante
Comme chaque année, l’application de la peine de mort reste très localisée. Seuls douze États, principalement situés dans le Sud, ont procédé à des exécutions en 2025. Les nouvelles condamnations capitales n’ont concerné que huit États.
Vingt-trois États ont purement et simplement aboli la peine de mort. Trois autres – Californie, Oregon et Pennsylvanie – observent un moratoire décidé par leur gouverneur respectif.
Cette répartition inégale illustre la fracture régionale qui caractérise le débat américain sur cette question depuis des décennies.
Les méthodes d’exécution en 2025
La majorité des exécutions continuent de recourir à l’injection létale : trente-huit cas cette année. Cette méthode reste la plus courante malgré les controverses récurrentes sur les protocoles et les souffrances potentielles.
Trois exécutions ont été réalisées par inhalation d’azote, une technique introduite pour la première fois en 2024 par l’Alabama. Des experts internationaux ont comparé cette pratique à une forme de torture.
Enfin, deux personnes ont été exécutées par peloton d’exécution en Caroline du Sud. Il s’agit d’une première depuis 2010 aux États-Unis, révélant le retour à des méthodes considérées comme archaïques face aux difficultés d’approvisionnement en produits pour l’injection.
Répartition des méthodes d’exécution en 2025
- Injection létale : 38 cas
- Inhalation d’azote : 3 cas
- Peloton d’exécution : 2 cas
Des décisions judiciaires marquantes
L’année 2025 a également été marquée par deux interventions judiciaires significatives. En octobre, un tribunal du Texas a suspendu l’exécution prévue de Robert Roberson. Cet homme, atteint d’autisme, avait été condamné pour la mort de sa fille sur la base du controversé syndrome du bébé secoué, diagnostic aujourd’hui fortement remis en cause.
Le dossier a été renvoyé devant le tribunal pour réexamen, illustrant les doutes croissants sur certaines condamnations anciennes fondées sur des expertises scientifiques aujourd’hui contestées.
En février, la Cour suprême des États-Unis a pris une décision rare. Elle a annulé la condamnation de Richard Glossip en Oklahoma et ordonné un nouveau procès. Les juges ont estimé que l’intéressé n’avait pas bénéficié d’un procès équitable. Cette requête était soutenue à la fois par la défense et par l’accusation, un alignment exceptionnel.
Ces deux affaires rappellent que, même dans un contexte de reprise des exécutions, le système judiciaire conserve des garde-fous capables d’intervenir pour corriger d’éventuelles injustices.
Vers une disparition progressive ?
La trajectoire actuelle dessine un avenir incertain pour la peine de mort aux États-Unis. D’un côté, quelques États maintiennent une application ferme, portée par des choix politiques locaux. De l’autre, l’opinion publique, les jurys et une partie du système judiciaire montrent des signes clairs de désaffection.
Ce double mouvement crée une tension palpable. Les exécutions de personnes condamnées il y a vingt ou trente ans, alors que le soutien était massif, apparaissent de plus en plus comme des reliques d’une autre époque.
Le faible nombre de nouvelles condamnations suggère que la relève n’est pas assurée. Peu de jurys acceptent encore de prononcer la peine capitale, reflétant les doutes éthiques et pratiques qui traversent la société américaine.
Dans le même temps, les méthodes alternatives controversées et les affaires révélant des erreurs judiciaires alimentent le débat public. Chaque exécution devient un événement médiatisé, souvent accompagné de manifestations et de controverses.
Ce paradoxe entre une minorité d’États actifs et une majorité silencieuse mais de plus en plus critique pourrait, à terme, accentuer la pression vers une abolition progressive, État par État.
2025 restera probablement comme une année charnière : celle où la mécanique de la peine de mort a connu un sursaut inattendu, tout en révélant plus clairement que jamais son décalage avec l’évolution des consciences.
Le chemin reste long, mais les signes d’un déclin irréversible semblent se multiplier. L’histoire de la peine capitale aux États-Unis n’est peut-être pas terminée, mais elle entre manifestement dans une phase de profondes mutations.
La justice pénale américaine traverse une période de contradictions profondes, où les actes d’une minorité politique contrastent avec la retenue croissante de la société civile.
Ce contraste invite à une réflexion plus large sur la démocratie, la représentation et la capacité d’un système à évoluer au rythme des valeurs de ses citoyens.
En attendant, chaque nouvelle exécution continue de diviser, de questionner et, pour beaucoup, de choquer. Le débat reste plus vif que jamais.









