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Pédiatre Russe Condamnée à 5 Ans de Prison pour Critique de l’Armée

Une pédiatre de Moscou a été lourdement condamnée suite aux accusations d'une mère l'ayant dénoncée pour des propos critiques sur la guerre en Ukraine tenus en consultation. Un nouvel exemple de la répression sévère s'abattant sur toute voix dissidente en Russie...

Le verdict est tombé tel un couperet : 5 ans et demi de prison ferme pour Nadejda Bouïanova, une pédiatre moscovite de 68 ans. Son crime ? Avoir tenu des propos critiques envers l’offensive russe en Ukraine lors d’une consultation avec la mère d’un de ses jeunes patients. Cette condamnation sévère illustre l’implacable répression qui s’abat sur les voix dissidentes, réelles ou supposées, depuis le lancement de “l’opération militaire spéciale” par le Kremlin en février 2022.

Une dénonciation aux lourdes conséquences

C’est la mère d’un garçon de 7 ans soigné par le Dr Bouïanova qui est à l’origine de l’affaire. Anastassia Akinchina, dont le mari soldat était porté disparu en Ukraine, a accusé la pédiatre de lui avoir affirmé lors d’un échange privé que son époux était “une cible légitime” pour les forces ukrainiennes et que “la Russie agressait les civils ukrainiens”. Des propos réfutés par la praticienne, qui a décrit sa patiente comme “une personne instable” ayant quitté “nerveuse et mécontente” une consultation pour un orgelet.

Suite à cette dénonciation, le calvaire de Nadejda Bouïanova a débuté : licenciement immédiat de l’hôpital où elle exerçait depuis 4 ans, inculpation pour “diffusion de fausses informations” sur l’armée motivée par la “haine ethnique”, placement en détention provisoire… Ironie du sort, la médecin est née à Lviv en Ukraine mais vit en Russie depuis 30 ans. “Quelle haine pourrais-je ressentir ? Je suis liée à trois peuples slaves”, s’est-elle défendue en larmes devant la cour, pointant l’absence de preuves à son encontre.

Un procès politique symbolique

Pour de nombreux observateurs, ce procès revêt une dimension politique évidente. Dans un contexte de contrôle accru de l’information et de la société, le pouvoir russe entend faire un exemple en sanctionnant durement toute critique, même privée, de son “opération spéciale” en Ukraine. Les partisans de la pédiatre dénoncent une parodie de justice : “Aucune preuve n’a été présentée !”, s’est indigné l’un de ses avocats après l’annonce de la peine.

Malgré une pétition de soutien lancée par ses collègues et l’annulation de son licenciement par un tribunal moscovite en juillet, rien n’aura suffi à infléchir le cours de la justice. La répression est à l’œuvre : arrestations et lourdes peines pleuvent pour des motifs aussi divers que l’espionnage, la trahison, le sabotage ou le simple fait d’émettre des réserves sur l’offensive militaire, souvent sur la base de simples dénonciations.

Honte à vous !

– Partisans de la pédiatre Nadejda Bouïanova à l’annonce du verdict

Une société russe sous haute surveillance

L’affaire Bouïanova est symptomatique du tournant sécuritaire et répressif pris par la Russie depuis le déclenchement du conflit ukrainien. Toute voix dissonante est traquée, tout propos critique sévèrement sanctionné. Au tribunal, sur les réseaux sociaux comme dans la sphère privée, la prudence est de mise. Dans ce climat de suspicion généralisée, les dénonciations se multiplient, brisant des vies et des carrières.

Pour la pédiatre moscovite, injustement condamnée selon ses soutiens, l’avenir s’annonce sombre derrière les barreaux d’une colonie pénitentiaire. Son histoire illustre les dérives d’une société russe en état de siège, où la quête de “traîtres” et de boucs émissaires l’emporte sur le respect des libertés fondamentales. Un constat glaçant, alors que la guerre en Ukraine entre dans son deuxième été sans perspective de résolution.

Dans ce contexte tendu, le sort des dissidents, réels ou supposés, apparaît plus précaire que jamais. La condamnation de Nadejda Bouïanova sonne comme un avertissement à tous ceux qui, en Russie, oseraient encore exprimer leur désaccord avec le discours officiel. Un coup de semonce qui en dit long sur l’état d’une société russe verrouillée, où la peur change progressivement de camp.

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