Dans un contexte de répression grandissante en Russie, une pédiatre moscovite respectée de 68 ans, Nadejda Bouïanova, risque six années de détention dans une colonie pénitentiaire. Son crime ? Avoir prétendument critiqué l’offensive militaire russe en Ukraine lors d’une conversation privée.
D’après l’acte d’accusation, Nadejda Bouïanova aurait confié à la mère d’un de ses jeunes patients que son mari, un soldat porté disparu, était “une cible légitime” pour les forces ukrainiennes et que “la Russie était un pays agresseur attaquant des civils”. Des propos démentis par la pédiatre, originaire de la ville ukrainienne de Lviv mais installée en Russie depuis trois décennies.
Un procès emblématique d’une répression implacable
Ce procès illustre l’implacable répression qui s’abat sur toutes les voix critiques, réelles ou supposées, de l’opération militaire spéciale lancée en février 2022 par le président Vladimir Poutine. Les arrestations pour espionnage, trahison, extrémisme ou simples critiques de l’armée se multiplient, débouchant sur de très lourdes peines de prison, souvent sur la base de simples dénonciations.
Une parole contre une autre
Dans cette affaire, tout a commencé le 31 janvier dernier quand Anastassia Akinchina, 34 ans, mère d’un patient de 7 ans et compagne d’un soldat porté disparu, a dénoncé la pédiatre suite à une consultation. Nadejda Bouïanova a quant à elle décrit la plaignante comme une personne “au caractère instable”, ressortie “nerveuse et mécontente” d’un rendez-vous pour soigner l’orgelet de son fils.
Tout s’explique. Voilà pourquoi elle déteste la Russie et les combattants russes. Elle est de Lviv!
Anastassia Akinchina lors d’une audience
Un licenciement immédiat et une inculpation
Suite à ces accusations, Nadejda Bouïanova a été immédiatement licenciée de l’hôpital où elle officiait depuis quatre ans, puis inculpée en février pour “diffusion de fausses informations” sur l’armée russe, un délit passible de lourdes peines et récemment introduit dans l’arsenal répressif du Kremlin. En détention provisoire depuis avril, elle clame son innocence et dénonce un dossier motivé par la “haine ethnique”.
Le témoignage du jeune patient au cœur des débats
Lors du procès, l’accusation s’appuie notamment sur le témoignage du jeune patient de 7 ans qui aurait assisté à la conversation, bien que la défense affirme qu’il n’était pas présent. Dans sa déposition, l’enfant a déclaré que “la médecin a dit à maman que papa était une cible légitime de l’Ukraine, que la Russie est un pays agresseur qui tue des civils”, des propos jugés inappropriés par l’accusée.
Ce sont des phrases d’adultes, si effrayantes… Je doute que ce soit ses mots.
Nadejda Bouïanova
Un verdict annoncé pour mardi prochain
À l’issue de l’audience, la procureure a requis six années de détention dans une colonie pénitentiaire à l’encontre de Nadejda Bouïanova, malgré ses 35 années d’expérience et son passé professionnel irréprochable.
Le verdict final sera rendu mardi prochain. La pédiatre, en larmes, a appelé le tribunal à prendre en considération son état de santé, réaffirmant son innocence et son profond attachement aux peuples russe, biélorusse et ukrainien.
Cette affaire emblématique cristallise les tensions actuelles en Russie sur fond de conflit en Ukraine. Elle témoigne du durcissement du contrôle des opinions et de la chasse aux voix discordantes, y compris dans les sphères professionnelles les plus respectées comme le corps médical. Une tendance inquiétante qui ne semble pas prête de s’inverser.