Il est un peu moins de 19 heures, ce lundi 25 novembre 2025, quand tout bascule. Un homme de 56 ans, costume impeccable, sort de son bureau à Caissargues, dans le Gard. Il monte dans sa Porsche Taycan dernier cri, comme tous les soirs. Mais ce soir-là, trois ombres vêtues de noir l’attendent. En quelques secondes, le quotidien d’un chef d’entreprise respecté vire au cauchemar.
Un guet-apens parfaitement orchestré
Les images des caméras de vidéosurveillance, bien que floues, ne laissent aucun doute : les trois individus ont suivi leur cible depuis plusieurs minutes. À peine le PDG a-t-il refermé sa portière que les portières arrière s’ouvrent brutalement. Deux hommes cagoulés, gantés, armés de pistolets, s’installent derrière lui. Le troisième prend place côté passager. « Roule, et pas un geste », aurait lancé l’un d’eux, le canon collé contre la tempe du conducteur.
Direction le domicile familial, à quelques kilomètres seulement. Un trajet qui dure une éternité pour la victime, contrainte de conduire sous la menace. Les ravisseurs connaissent l’adresse par cœur. Ils savent même qu’un des fils, 22 ans, risque de rentrer à tout moment. Tout est minuté.
L’arrivée au domicile : la violence explose
Dès l’entrée dans la propriété, le ton monte. Le PDG est extrait de force de sa voiture. Les coups pleuvent immédiatement. Poings, crosse d’arme, pieds : les agresseurs ne retiennent pas leur rage. Le crâne du quinquagénaire heurte le sol, une plaie béante s’ouvre. Le sang coule sur le carrelage impeccable du hall.
Le fils aîné, qui rentrait pile à ce moment-là, est intercepté dans l’allée. Il tente de s’interposer. Mauvaise idée. Il reçoit lui aussi une pluie de coups et se retrouve plaqué au sol, un genou sur la nuque, une arme pointée sur la tête.
« Ils criaient tout le temps : “Ouvre le coffre, on sait que t’as les montres !” »
Car c’est bien ça, le cœur du butin : une collection de montres de luxe, fruit de décennies de passion et d’investissement. Une dizaine de pièces exceptionnelles – certaines estimées à elles seules plus de 100 000 euros – disparaissent en quelques minutes. À cela s’ajoutent trois bagues et un bracelet de grande marque. Valeur totale : environ un million d’euros.
L’acharnement gratuit qui choque
Mais les malfaiteurs ne se contentent pas de voler. Ils humilient. Selon les premiers éléments, la victime est aspergée d’eau de Javel – une pratique de plus en plus courante dans les braquages pour détruire l’ADN et marquer psychologiquement les victimes. Le père et le fils sont menacés de mort à plusieurs reprises. « Si vous parlez, on reviendra finir le travail. »
Pendant ce temps, le cadet de la famille, 19 ans, s’est réfugié à l’étage. Tapi dans une chambre, le cœur battant, il entend tout : les cris de son père, les insultes, les meubles renversés. Il compose le 17 en tremblant. Les gendarmes sont alertés alors que le calvaire est encore en cours.
La fuite et la Porsche en flammes
Une fois leur besace remplie, les trois hommes repartent au volant de la Porsche Taycan. Direction inconnue. Moins d’une heure plus tard, le véhicule est retrouvé calciné sur une petite route de campagne, à une quinzaine de kilomètres. Un grand classique pour effacer les traces.
Les forces de l’ordre bouclent le secteur dans la nuit. Hélicoptère, maîtres-chiens, brigade de recherche : l’appareil judiciaire se met en branle avec une rapidité rare. L’enquête est confiée à la section de recherches de Nîmes et à la brigade de répression du banditisme.
Un mode opératoire qui interpelle les enquêteurs
Ce qui frappe les spécialistes, c’est le professionnalisme apparent du commando. Repérage préalable, connaissance précise des habitudes de la victime, timing parfait, armement réel, violence mesurée mais spectaculaire : tous les ingrédients d’équipes expérimentées, souvent issues de la criminalité organisée.
Ces derniers mois, la région Occitanie a connu plusieurs affaires similaires : des chefs d’entreprise ou des professions libérales ciblés pour leur train de vie visible. Voitures de luxe, montres ostentatoires, maisons cossues… Autant de signaux qui attirent les prédateurs.
Les similitudes troublantes avec d’autres affaires récentes dans le Sud :
- Repérage longue durée via les réseaux sociaux ou les sorties professionnelles
- Attaque au moment du retour au domicile (entre 19 h et 21 h)
- Utilisation d’armes de poing et menaces sur la famille
- Vol ciblé d’objets de petite taille mais à très forte valeur
- Incendie du véhicule pour détruire les indices
Les séquelles physiques et psychologiques
Le PDG a été transporté à l’hôpital avec un traumatisme crânien et de multiples contusions. Les plaies au visage nécessitent des points de suture. Son fils aîné souffre lui aussi de blessures importantes. Mais au-delà des bleus, c’est le choc psychologique qui inquiète les proches.
« On ne se sent plus en sécurité nulle part, confie un voisin sous couvert d’anonymat. Même dans une résidence calme comme ici, avec des caméras partout… » La peur s’est installée dans tout le quartier. Certains envisagent déjà de renforcer leur système de sécurité ou de vendre leur maison.
Une criminalité qui change de dimension
Ce genre d’affaires n’est plus réservé aux grandes métropoles. Le Gard, l’Hérault, les Bouches-du-Rhône : la vague de home-jackings violents touche désormais des villes moyennes et des zones résidentielles huppées. Les cibles ? Toujours les mêmes : entrepreneurs, médecins, avocats, commerçants prospères. Ceux qui affichent leur réussite.
Et le phénomène n’est pas près de s’arrêter. Les réseaux balkaniques, géorgiens ou sud-américains spécialisés dans ce type de raids éclair se montrent de plus en plus audacieux. Leur rentabilité est effrayante : un million d’euros en une soirée, pour trois hommes, avec un risque relativement maîtrisé.
Face à cela, les pouvoirs publics peinent à répondre. Les peines prononcées, quand les auteurs sont arrêtés, paraissent parfois dérisoires au regard de la violence déployée et du traumatisme infligé.
Que faire pour se protéger ?
Les spécialistes de la sécurité privée le répètent : la discrétion reste la meilleure arme. Éviter d’exposer sa richesse sur les réseaux sociaux, varier ses horaires, installer des systèmes d’alarme connectés à des sociétés d’intervention rapide… Des conseils qui peuvent sembler évidents, mais que beaucoup négligent encore.
D’autres choisissent la radicalité : déménagement dans des résidences ultra-sécurisées, gardes du corps, véhicules blindés. Une vie sous cloche que personne n’aurait imaginée il y a encore dix ans.
Ce mardi matin, à Caissargues, la vie reprend doucement. Les scellés sont posés sur la porte d’entrée. Les journalistes campent devant. Et quelque part, trois hommes comptent leur butin. Un million d’euros. Le prix d’une soirée d’horreur.
L’enquête, elle, ne fait que commencer. Et tout le monde espère que cette fois, les coupables seront retrouvés. Avant qu’ils ne remettent ça ailleurs.









