Quand la maladie progresse inexorablement et que l’espoir s’amenuise, comment trouver encore du sens à ses derniers instants ? À l’hôpital des Diaconesses, dans le 12e arrondissement parisien, une initiative originale permet aux patients en soins palliatifs de laisser une trace de leur passage en ce monde. Depuis trois ans, Sophie Bobbé, biographe professionnelle, recueille leurs témoignages pour en faire un livre de mémoire à transmettre à leurs proches.
Renouer avec son histoire de vie
« Certains me voient comme une sorte de psychologue, mais cela n’a rien à voir » souligne Sophie Bobbé. Sa mission consiste avant tout à être une oreille attentive, sans jugement, pour permettre à des personnes en fin de vie de renouer avec leur histoire personnelle. Au fil des séances, elle récolte anecdotes, souvenirs, grands et petits bonheurs qui ont jalonné leur existence.
Un travail d’autant plus précieux que beaucoup se sentent désorientés, inquiets face à l’échéance qui approche. Se replonger dans son vécu est alors un moyen de se sentir à nouveau vivant, acteur de son destin. « Se raconter permet de retisser les fils de son identité, de retrouver une cohérence » analyse la biographe.
Ce livre a été son dernier projet, le plus important à ses yeux. Il lui a redonné un but, une motivation jusqu’au bout.
témoigne la fille d’une patiente récemment décédée
Créer du lien
Au-delà de raviver la mémoire, ce projet permet aussi de créer du lien à un moment où le malade peut se sentir très isolé. Le fait de confier son histoire, avec ses joies et ses peines, instaure une relation de proximité et de confiance avec la biographe. Les proches sont aussi souvent mis à contribution pour compléter certains passages ou fournir des photos.
C’est l’occasion pour chacun d’exprimer ce qu’il a sur le cœur, de mettre des mots sur l’indicible. Des non-dits peuvent enfin être levés, des incompréhensions aplanies. Le récit de vie devient alors un magnifique outil de réconciliation et de transmission.
Laisser une trace
Pour ceux qui restent, ce livre sera un trésor inestimable. Il permettra de garder toujours vivace le souvenir de l’être aimé, de mieux comprendre son parcours et sa personnalité. Un père confiera ainsi à ses enfants : « Quand je ne serai plus là, vous pourrez ouvrir ce livre et m’y retrouver. Je serai toujours un peu avec vous ».
En donnant du sens aux derniers instants, en renforçant les liens avec les proches, en permettant de laisser une trace, la biographie hospitalière est un formidable outil d’accompagnement. Un moyen pour le patient de rester acteur et auteur de sa vie jusqu’au bout, et pour les proches de mieux traverser l’épreuve du deuil en gardant toujours vivante la mémoire de celui qui est parti.
