C’est un changement de nom lourd de sens qui vient d’avoir lieu dans le XVIe arrondissement parisien. L’avenue Bugeaud, qui portait le nom d’un maréchal français controversé pour son rôle dans la colonisation de l’Algérie, a été officiellement renommée avenue Hubert Germain lors d’une cérémonie ce lundi. Un hommage au dernier Compagnon de la Libération, figure de la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale, disparu en 2021.
Un choix symbolique et unanime
La décision de débaptiser l’avenue Bugeaud avait été annoncée dès novembre 2023 par la maire de Paris Anne Hidalgo, en raison du « rôle éminemment néfaste » joué par le maréchal Thomas Bugeaud, notamment lors de la conquête de l’Algérie dans les années 1830-1840. Selon la mairie, il se serait « rendu coupable de ce qui serait aujourd’hui qualifié de crimes de guerre » dans la colonie, en plus d’« exactions » commises en France lors de répressions de mouvements républicains.
Nous avons décidé de renommer cette avenue afin qu’elle puisse prendre le nom d’une figure de combat, de tolérance et de liberté, dans la fidélité des valeurs qui sont celles de Paris.
– La mairie de Paris
Le choix de lui substituer le nom d’Hubert Germain, né dans ce même arrondissement et engagé dès juin 1940 dans les Forces françaises libres, fait donc figure de symbole. Outre sa participation au débarquement de Provence en 1944, il était surtout le dernier survivant des 1038 Compagnons de la Libération, ces résistants de la première heure distingués par le général de Gaulle, à son décès à l’âge de 101 ans il y a près de trois ans.
Cette décision, votée à l’unanimité par le Conseil de Paris le 11 juillet dernier malgré quelques réticences exprimées sur la méthode, marque la cinquième débaptisation de rue dans la capitale depuis 2001. La mairie assure cependant qu’il s’agit de cas « exceptionnels », le dernier remontant à 2013 avec le remplacement du nom du compositeur antisémite Vincent d’Indy par celui de la résistante Germaine Tillion pour un collège du XIIe arrondissement.
Des plaques commémoratives conservées
Si l’avenue arbore désormais fièrement le nom d’Hubert Germain, le souvenir du maréchal Bugeaud n’est pas pour autant complètement effacé. Les anciennes plaques portant son nom seront en effet conservées et exposées au musée Carnavalet, temple de l’histoire de Paris. Une façon de rappeler le passé colonial de la France et les zones d’ombre de certaines figures militaires longtemps honorées.
Un sujet qui divise
Malgré le consensus politique ayant entouré cette décision, le sujet des débaptisations de rues reste sensible. Pour certains élus, à l’image de Francis Szpiner (LR) lors des débats au Conseil de Paris, « gommer complètement » des noms controversés serait « absurde » même s’il convient de dénoncer aujourd’hui les exactions de la colonisation. D’autres y voient au contraire un acte mémoriel nécessaire.
Une chose est sûre, le débat est loin d’être clos à l’heure où plusieurs villes françaises s’interrogent sur les noms de certaines de leurs artères. Et si d’autres avenues parisiennes étaient amenées à être rebaptisées dans les années à venir ? L’avenir nous le dira, mais gageons que chaque changement de plaque apportera son lot de symboles et de polémiques.