À cinq mois des Jeux paralympiques d’hiver 2026, une décision inattendue secoue le monde du sport. Lors de son assemblée générale à Séoul, le Comité international paralympique (IPC) a voté pour la réintégration pleine et entière de la Russie et du Bélarus, deux nations exclues des compétitions internationales depuis le début du conflit en Ukraine en 2022. Mais cette annonce, saluée comme une avancée par certains, soulève une question brûlante : verrons-nous réellement leurs athlètes défiler sous leurs drapeaux à Milan-Cortina ?
Un Retour Controversé dans le Sport Paralympique
La décision de l’IPC marque un tournant. Après des années de sanctions, notamment en raison d’un scandale de dopage qui avait banni la Russie des Jeux depuis 2014, les comités paralympiques russe et bélarusse retrouvent leur statut de membres à part entière. Cette réintégration, votée à la majorité absolue, met fin à une suspension partielle qui autorisait leurs athlètes à concourir sous bannière neutre lors des Paralympiques de Paris 2024, sous des conditions strictes de neutralité.
Pour le comité paralympique russe, cette décision est perçue comme une victoire. Dans une déclaration, il a salué un choix “juste”, affirmant qu’il protège les droits des athlètes sans discrimination basée sur leur nationalité. Mais cette annonce est loin de clore le débat, car plusieurs obstacles se dressent avant que les drapeaux russes et bélarusses ne flottent à Milan-Cortina.
Un Passé Chargé de Sanctions
Pour comprendre l’ampleur de cette décision, un retour en arrière s’impose. Depuis les Jeux paralympiques de Sotchi en 2014, le drapeau russe n’a plus été vu dans les compétitions paralympiques. À Rio en 2016, la Russie avait été suspendue pour un scandale de dopage institutionnalisé. À Pyeongchang (2018) et Tokyo (2021), ses athlètes avaient concouru sous bannière neutre, sans hymne ni drapeau. En 2022, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a conduit à l’exclusion totale des deux nations des Jeux de Pékin, quelques jours seulement après le début du conflit.
“La décision de l’IPC est une vraie stupéfaction”, a déclaré Marie-Amélie Le Fur, présidente du comité paralympique français, à l’Agence France-Presse.
Ce passé tumultueux rend la réintégration d’autant plus surprenante. Elle ouvre théoriquement la voie à une participation sous drapeau national à Milan-Cortina, mais la réalité est bien plus complexe.
Les Obstacles à la Participation
Si l’IPC a levé les restrictions, les fédérations internationales, qui supervisent les six sports des Jeux paralympiques d’hiver (para ski alpin, para ski de fond, para snowboard, para biathlon, para hockey sur glace et curling fauteuil), n’ont pas encore suivi cette voie. Aucune d’entre elles, comme la Fédération internationale de ski (FIS) ou l’Union internationale de biathlon (IBU), n’a réintégré les athlètes russes ou bélarusses, même sous bannière neutre.
De plus, les processus de qualification pour le para hockey sur glace et le curling fauteuil sont déjà terminés ou sur le point de l’être. Cela limite considérablement les chances des athlètes russes et bélarusses de participer, même si des quotas supplémentaires pourraient être envisagés sous le principe d’universalité.
- Para ski alpin : Géré par la FIS, pas de réintégration pour le moment.
- Para biathlon : Sous l’égide de l’IBU, même situation.
- Para hockey sur glace : Qualifications closes, aucun accès possible.
- Curling fauteuil : Processus de qualification presque terminé.
Marie-Amélie Le Fur a souligné que, bien que des quotas puissent encore être redistribués, le temps presse. “Ça peut paraître court, car beaucoup de chemins de sélection sont particulièrement avancés”, a-t-elle expliqué. Cette situation rend la participation incertaine, même pour les athlètes qui rempliraient les critères de neutralité.
Un Conflit Géopolitique au Cœur du Sport
La réintégration des comités russe et bélarusse intervient dans un contexte géopolitique tendu. L’invasion de l’Ukraine, lancée le 24 février 2022, continue de peser sur les décisions sportives internationales. Un décret ukrainien de juillet 2023 interdit aux athlètes ukrainiens de concourir face à des compétiteurs représentant officiellement la Russie ou le Bélarus. Si les drapeaux russes et bélarusses venaient à être autorisés à Milan-Cortina, cela pourrait entraîner le retrait des athlètes ukrainiens, une perspective qui complique encore davantage la situation.
En parallèle, le Comité international olympique (CIO) a adopté une approche différente pour les Jeux olympiques de Milan-Cortina, prévus un mois avant les Paralympiques (6-22 février 2026). Le CIO maintient l’obligation pour les athlètes russes et bélarusses de concourir sous bannière neutre, sans lien avec l’armée et sans avoir soutenu publiquement l’invasion de l’Ukraine. Cette divergence entre l’IPC et le CIO illustre les tensions autour de la place des deux nations dans le sport mondial.
Vers une Nouvelle Ère pour le Sport Paralympique ?
La décision de l’IPC pourrait-elle marquer le début d’un retour progressif de la Russie et du Bélarus sur la scène sportive internationale, indépendamment de la résolution du conflit en Ukraine ? Pour l’instant, rien n’est certain. Les fédérations internationales détiennent un pouvoir considérable sur les qualifications, et leur position conservatrice pourrait freiner ce retour.
Pour les athlètes, cette incertitude est source de frustration. Après des années d’exclusion ou de participation sous conditions strictes, la possibilité de concourir sous leur drapeau national représente un espoir, mais aussi un défi. Les critères de neutralité, bien que levés par l’IPC, pourraient encore être imposés par certaines fédérations, rendant le chemin vers Milan-Cortina semé d’embûches.
Événement | Statut Russie/Bélarus | Année |
---|---|---|
Sotchi 2014 | Participation normale | 2014 |
Rio 2016 | Suspension (dopage) | 2016 |
Pyeongchang 2018 | Bannière neutre | 2018 |
Pékin 2022 | Exclusion (Ukraine) | 2022 |
Paris 2024 | Bannière neutre | 2024 |
Milan-Cortina 2026 | Réintégration, incertain | 2026 |
Les Réactions et Perspectives
La communauté paralympique mondiale reste divisée. Certains y voient une avancée vers l’inclusion et la fin de la discrimination basée sur la nationalité, tandis que d’autres craignent que cette décision ne minimise la gravité du conflit en Ukraine. Les fédérations internationales, en refusant pour l’instant de réintégrer les athlètes russes et bélarusses, semblent adopter une position prudente.
Marie-Amélie Le Fur, dans ses déclarations, a insisté sur la nécessité d’attendre les décisions des fédérations pour évaluer l’impact réel de cette réintégration. “Il faut voir comment se déroule la fin des sélections”, a-t-elle ajouté, soulignant l’incertitude qui plane sur l’événement.
Et Après ?
À l’approche des Jeux paralympiques de Milan-Cortina, prévus du 6 au 15 mars 2026, les regards se tournent vers les fédérations internationales. Leur position déterminera si les athlètes russes et bélarusses pourront concourir, et sous quelles conditions. Cette décision pourrait également influencer la participation ukrainienne, rendant l’événement encore plus complexe sur le plan politique.
En attendant, la réintégration des comités russe et bélarusse par l’IPC soulève des questions plus larges sur l’avenir du sport paralympique. Peut-on séparer le sport de la politique ? La neutralité est-elle une solution viable à long terme ? Alors que le monde observe, une chose est sûre : Milan-Cortina 2026 sera bien plus qu’une simple compétition sportive.