La souveraineté du Panama sur son canal stratégique est au cœur d’une nouvelle passe d’armes diplomatique. Le président panaméen José Raul Mulino a tenu à réfuter avec fermeté les accusations « d’ingérence » chinoise brandies par le président américain élu Donald Trump. Il a par ailleurs fermé la porte à toute négociation visant à remettre en cause le contrôle de son pays sur cette voie de passage cruciale entre Atlantique et Pacifique.
Lors de sa conférence de presse hebdomadaire, M. Mulino a été on ne peut plus clair : « Il n’y a aucune possibilité pour ce président de discuter de quelque chose qui chercherait à repenser la réalité juridico-politique du canal de Panama sous contrôle panaméen. Si l’intention est de parler, il n’y a rien à dire ». Le message est limpide, le Panama n’a nullement l’intention de lâcher ce joyau qui lui a été rétrocédé en 1999.
Un héritage chèrement acquis
Le président panaméen n’a pas manqué de rappeler le lourd tribut payé par son pays pour reprendre le contrôle du canal : « Le canal appartient aux Panaméens, il n’y a donc aucune possibilité de débuter quelque type de conversation que ce soit sur une réalité qui a coûté des larmes, de la sueur et du sang au pays ». En effet, c’est au terme de longues négociations et de luttes que le Panama a pu récupérer cet ouvrage stratégique, construit par les États-Unis et inauguré en 1914.
Les traités Torrijos-Carter signés en 1977 ont acté le transfert progressif de la gestion du canal au Panama, un processus qui s’est achevé le 31 décembre 1999. Depuis, c’est l’Autorité du canal de Panama (ACP), un organisme public et autonome, qui gère l’exploitation et l’entretien de cette voie de 80 km reliant les deux océans. Une autonomie chèrement acquise que le Panama n’est pas prêt à abandonner.
Un système de péages transparent
Au cœur du différend, il y a la question des péages que doivent acquitter les navires empruntant le canal. Donald Trump a en effet menacé de reprendre le contrôle du canal si le Panama n’accordait pas de réduction pour les navires américains. Une ingérence inacceptable pour le président Mulino qui a tenu à rappeler que « dans le canal, les péages ne sont pas fixés au gré des envies du président ni du gestionnaire » mais qu’il existe « un processus établi pour fixer les prix des péages du canal qui a été respecté depuis le premier jour jusqu’à aujourd’hui, c’est un processus public et ouvert ».
Il est vrai que l’ACP mène régulièrement des consultations publiques sur l’évolution des droits de passage, en prenant en compte différents paramètres comme les investissements nécessaires à l’entretien et à la modernisation des infrastructures et les conditions du marché du transport maritime. Une transparence qui tranche avec les menaces à peine voilées du futur locataire de la Maison Blanche.
La Chine, un épouvantail commode
Pour appuyer ses menaces, Donald Trump a agité le spectre d’une mainmise chinoise sur le canal de Panama, sans apporter la moindre preuve tangible. Des accusations balayées par le président Mulino : « Il n’y a absolument aucune ingérence ni participation chinoise dans quoi que ce soit ayant trait au canal de Panama (…), il n’y a pas de soldats chinois dans le canal, pour l’amour de Dieu ».
Le président panaméen reconnaît néanmoins que ces craintes peuvent avoir « une certaine validité » du point de vue géopolitique des États-Unis, toujours prompts à voir la main de Pékin derrière la moindre avancée économique ou diplomatique chinoise en Amérique latine. Mais il se refuse à mêler son pays à ce bras de fer entre les deux superpuissances. Pour lui, le canal de Panama doit rester en dehors de ces considérations et continuer à être géré de manière autonome et transparente.
Reste à savoir si ces arguments suffiront à convaincre le bouillant président américain élu, peu au fait des subtilités géopolitiques et prompt aux déclarations intempestives. Mais une chose est sûre, sur ce dossier comme sur d’autres, l’arrivée de Trump à la Maison Blanche risque de tendre un peu plus les relations, déjà compliquées, entre Washington et l’Amérique latine. Et le Panama, de par sa position stratégique, pourrait bien se retrouver en première ligne.